Des rêves plein la tête
Richard.
— Elle a raison,
ma chouette, l'approuva sa grand-mère. La prière peut pas faire de tort, c'est
certain.
À la surprise
générale, le premier ministre Maurice Duplessis déclencha des élections
générales le 23 septembre suivant. De toute évidence, le rusé politicien
voulait profiter de l'opposition affichée des Canadiens français à la guerre
pour obtenir un autre mandat.
Ce jour-là,
Laurette venait d'écouter Le curé de village, son émission radiophonique
préférée, quand Roger Baulu prit le micro pour informer les auditeurs que le
premier ministre Maurice Duplessis venait d'annoncer la tenue d'élections
générales le 25 octobre suivant. Le chef de l'Union nationale avait choisi un
mercredi, jour dédié à saint Joseph, son saint patron, pour lancer sa campagne
électorale.
— Maudit verrat,
il manquait plus que ça ! se plaignit Laurette à mi-voix. On va être encore
poignés pour entendre parler de politique pendant des semaines. \
Lorsque Gérard
apprit la nouvelle en rentrant du travail, il se frotta les mains de
contentement.
— C'est parfait,
cette affaire-là. Il va y avoir de l'action en masse. Mais je comprends pas
pourquoi il se dépêche comme ça. Il aurait pu faire encore un an.
Sa femme se
contenta de soulever les épaules et continua à servir le repas.
Ce soir-là,
Rosaire Nadeau s'arrêta quelques minutes à l'appartement de la rue Emmett.
— J'ai ben peur
qu'il en mange toute une, déclara-t-il à Gérard. Ton beau Maurice, Gérard, va
avoir tout le reste du Canada sur le dos, remarque ben ce que je te dis là.
— T'es pas
sérieux, protesta son beau-frère avec assurance. Tu peux être certain que tous
les Canadiens français vont être derrière lui. Il va écraser les rouges le jour
des élections et ils vont enfin comprendre qu'on veut rien savoir de ce qui se
passe de l'autre bord.
Pour sa part,
Laurette allait se rappeler longtemps des quatre semaines que dura la campagne
électorale.
— Une vraie bande
de fous furieux ! répéta-t-elle inlassablement. Ils arrêtent pas de se crier
des bêtises à cœur de jour au radio. Je suis tellement tannée de les entendre
s'engueuler que j'ai envie de jeter le radio dans les poubelles.
En fait, le
premier ministre de la province était parvenu à liguer contre lui tous les
libéraux provinciaux et fédéraux de la province. Même si Adélard Godbout était
le chef officiel de l'opposition, Ernest Lapointe était de toutes les tribunes
et ne reculait devant aucune promesse pour que Maurice Duplessis et l'Union
nationale soient écrasés le jour de l'élection. «Un vote pour Duplessis est un
vote pour la conscription», martelait-il inlassablement depuis le début de la
campagne. .
— C'est un
écœurant de dire des affaires comme ça, s'emportait un Gérard rouge de colère.
C'est tout le contraire. Duplessis veut pas qu'on aille se battre pour les
Anglais. , ,
En cette fin de
septembre, l'été semblait avoir définitivement plié bagages pour céder la place
à l'automne. La température avait fraîchi au point que Laurette devait
maintenant « faire une attisée », comme elle disait, chaque jour pour chasser
l'humidité dans l'appartement. Les journées raccourcissaient et la pluie était
de plus en plus souvent au rendez-vous. Devant l'inévitable changement de
saison, il avait été entendu que Gérard remplacerait les persiennes par les
contre-fenêtres le samedi suivant.
« Bonyeu que
c'est plate qu'il fasse pas ça un soir dans la semaine, se dit-elle. J'aurais
pu sortir samedi si ça avait déjà été fait. Comme c'est là, je peux pas lui
laisser les enfants sur les bras et je vais être poignée pour rester à la
maison samedi prochain. »
Depuis quelques
jours, le temps avait été si maussade qu'elle avait dû se résigner à tendre des
cordes à travers sa cuisine pour achever de faire sécher à l'intérieur les
vêtements fraîchement lavés, la veille et le matin même.
« Si j'avais pas
tant de couches à laver aussi, je serais pas obligée d'étendre du linge pendant
deux jours, se dit-elle avec mauvaise humeur en décrochant les dernières pièces
de vêtements qui avaient fini de sécher. »
Après le dîner,
un soleil timide perça tout de même les nuages et la jeune mère de famille
décida de profiter de l’éclaircie pour emmener ses enfants en promenade. Elle
habilla chaudement
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