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Des rêves plein la tête

Des rêves plein la tête

Titel: Des rêves plein la tête Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel David
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le
contenu de l'enveloppe de paye de son mari sur le comptoir pour vérifier que le
montant exact s'y trouvait bien.
     
    — Dix-sept
piastres ! Comment ça se fait qu'il y a trois piastres de plus que d'habitude ?
demanda-t-elle, étonnée, en se tournant vers Gérard.
     
    — Ben, j'ai
demandé une augmentation il y a deux jours. Le boss m'a répondu qu'il allait y
penser. Tout à
     
    l'heure, il m'a
-dit qu'il m'avait augmenté de trois piastres par semaine. Qu'est-ce que t'en
dis ? Contente ?
     
    — Je comprends,
fit Laurette, transportée, en l'embrassant sur la joue. On rit pas. Trois
piastres de plus par semaine.
     
    — Il m'a dit que
j'étais chanceux qu'on soit en temps de guerre. Il y a de plus en plus de
commandes et la Dominion Rubber manque d'hommes. Ils parlent même d'engager des
femmes.
     
    — C'est pas vrai
! s'exclama Laurette.
     
    — Il paraît. Des
gars qui travaillent avec moi disent>que c'est partout pareil. Il commence à
y avoir de l'ouvrage un peu partout à cause de la guerre. Ça va faire du bien.
Les salaires vont commencer à augmenter.
     
    En fait, le mois
de février n'était pas terminé que Armand et Bernard Brûlé se vantaient, à leur
tour, d'avoir obtenu de bonnes augmentations de salaire sans beaucoup de peine.
La crise, qui avait fait souffrir la population pendant si longtemps, semblait
en voie de se résorber.
     
    — On dirait ben
que la crise est finie, déclara Honoré en affichant une profonde satisfaction.
En tout cas, on peut se vanter d'en avoir arraché en masse depuis une dizaine
d'années. Ça va faire du bien de pouvoir respirer un peu, ajouta-t-il, le
visage illuminé par un large sourire.
     
    — Il y a rien qui
dit que ça reviendra pas, lui fit remarquer sa femme, avec une certaine
sagesse. Il faut surtout pas dépenser à tort et à travers pendant que ça va
mieux. Maintenant, il faut prier encore plus fort pour que la guerre arrête le
plus vite possible.
     
    Si le marché de
l'emploi s'améliorait sensiblement en ce début d'année 1940, il en allait tout
autrement avec le climat politique. Des rumeurs persistantes circulaient selon
lesquelles Maurice Duplessis avait de plus en plus de mal à contrôler ses
troupes depuis qu'il avait été chassé du
     
    pouvoir. On
faisait aussi mention de la possibilité d'un plébiscite sur la conscription
parce que, disait-on, le premier ministre King subissait d'énormes pressions
des provinces anglophones. Ces bruits inquiétants firent presque passer sous
silence l'application d'une loi du salaire minimum et, surtout, le droit de
vote accordé aux femmes par le gouvernement Godbout.
     
    — Sacrifice, v’là
que les femmes vont aller annuler le vote de leur mari, à cette heure !
s'exclama Gérard pour taquiner sa femme en présence de ses beaux-frères et
belles-sœurs, un dimanche.
     
    — Dans ton cas,
ça te dérangera pas trop, pas vrai ? répliqua Laurette, du tac au tac. T'as
voté juste une fois dans ta vie.
     
    — C'est là que
c'est important d'avoir une femme ben obéissante, dit Bernard en adoptant l'air
d'un dur.
     
    Comme il avait la
réputation bien établie de se laisser mener par le bout du nez par sa
Marie-Ange, sa remarque suscita un éclat de rire général.
     
    — Il y a ben plus
important que ça, laissa tomber Honoré, en retirant sa pipe de sa bouche. Moi,
j'aime pas pantoute cette affaire d'enregistrement obligatoire des hommes.
     
    — Je sais pas si
vous avez écouté Camillien Houde, hier soir, au radio, intervint Gérard. Il a
conseillé à tous les hommes de pas aller s'enregistrer. Il a dit que, comme ça,
s'il y a une conscription, l'armée pourra pas nous retrouver.
     
    — Il y en aura
pas de conscription, affirma Armand. King l'a juré. Il prendra jamais la chance
de voir tous les députés de la province remettre leur démission, comme ils
l'ont promis aux dernières élections. Il perdrait le pouvoir s'il faisait ça.
     
    — On verra ben,
renchérit son père. J'ai pas plus confiance en lui que j'en avais en Borden en
1917. Et on sait ce qui est arrivé.
     
    Le lendemain,
deux mauvaises nouvelles attendaient Gérard lorsqu'il rentra de son travail. En
consultant les gros titres de La Presse qu'il venait de prendre chez Comtois,
il apprit l'arrestation du maire de Montréal et son internement à Petawawa, en
Ontario, pour avoir prêché la désobéissance civile à ses concitoyens. La
seconde mauvaise nouvelle concernait sa femme.
     
    i
     
    — Où est

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