Des rêves plein la tête
d'idée.
En réalité, la
jeune mère de famille n'avait pas encore abordé le sujet avec son mari, jugeant
qu'il serait toujours temps de lui en parler après la naissance de l'enfant.
Cette fois-ci, elle était bien décidée à le convaincre de la nécessité de
mettre un terme à leur famille.
La nouvelle
grossesse de Laurette se déroula normalement. Par contre, il lui fallut user de
patience avec ses deux aînés qui éprouvaient des difficultés d'apprentissage
importantes.
Chaque soir, le
même scénario se répétait. Elle devait s'installer à la table de la cuisine
entre Denise et Jean-Louis pour leur faire exécuter leurs devoirs et réciter
leurs leçons. Pendant ce temps, Gilles et Richard se chamaillaient dans la
pièce. Elle devait constamment les rappeler à l'ordre. Jouer à l'institutrice à
domicile ne l'amusait guère. Elle finissait invariablement par exploser devant
la lenteur de ses enfants à assimiler de nouvelles connaissances. Le bruit fait
par les plus jeunes en train de s'amuser ne l'aidait guère dans sa tâche.
— Verrat, Gérard,
lâche ton maudit journal cinq minutes et occupe-toi des petits ! s'écriait-elle
souvent, excédée. Tu vois pas que je peux pas tout faire en même temps ?
À regret, ce
dernier s'occupait des cadets durant quelques minutes et les faisait taire
avant de reprendre sa Presse ou d'écouter la voix d'Albert Duquesne ou de René
Arthur en train de communiquer les dernières informations sur la guerre qui
sévissait en Europe.
— Bonyeu !
Fais-tu exprès d'être bouchée comme ça ? s'exclamait soudain Laurette en
s'adressant à sa fille à qui elle faisait répéter pour la énième fois les mêmes
réponses tirées de son petit catéchisme. Je suis tout de même pas pour passer
la nuit au bout de la table à te les faire répéter, ces maudites réponses-là.
Sors de la lune ! Réveille-toi !
Sur ce, elle
rendait le manuel à sa fille et se tournait vers Jean-Louis pour lui faire
réciter ses leçons qu'il avait au moins autant de mal à mémoriser que sa sœur.
Toutefois, force était d'admettre que Laurette se découvrait des trésors de
patience quand il s'agissait de son fils. ,, \
Lorsque la fin de
mars arriva, la mère de famille recommença à étendre son linge à l'extérieur.
Un lundi matin,
elle aperçut Emma Gravel en train de ramasser des épingles à linge dans la
cour.
— J'ai les mains
pleines de pouces à matin, lui dit la petite femme. Je pense que je veux faire
trop vite et j'arrête pas d'échapper mes épingles en étendant mon linge.
— Moi aussi, ça
m'arrive d'en échapper, fit Laurette.
— Aujourd'hui, je
suis à la course. Je veux amener mon gars dans les magasins à la fin de
l'après-midi pour voir si je lui trouverais un petit habit pas trop cher pour
sa confirmation et sa première communion. Je pense que je vais être obligée
d'aller jusque chez Dupuis Frères pour trouver quelque chose qui a du bon sens.
— Il va falloir
que je m'occupe de ça, moi aussi, déclara Laurette avant de rentrer dans la maison
finir son lavage.
De fait, elle
avait complètement oublié qu'il lui faudrait habiller convenablement son
Jean-Louis pour ces deux événements. L'année précédente, elle n'avait pas eu à
se préoccuper de cela avec Denise parce que la grand-mère de la fillette lui
avait confectionné sa robe de première communiante en prétextant que c'était sa
filleule.
Le soir même,
Laurette se mit à faire l'inventaire des achats qu'elle allait devoir effectuer
pour la circonstance.
— As-tu pensé que
Jean-Louis est à la veille de faire sa confirmation et sa première communion ?
demanda-t-elle à son mari.
— C'est normal,
non ? C'est en première année que les enfants font ça.
— C'est pas ce
que je veux dire, reprit Laurette avec impatience. Il va falloir l'habiller,
cet enfant-là. Il est pas question qu'il ait l'air d'un guenillou et qu'il
fasse rire de lui par les autres. Il va lui falloir un habit bleu marin, une
chemise, une boucle, un brassard et des souliers noirs. As-tu une idée combien
tout ça va nous coûter ?
— Ben...
— On en a au
moins pour une trentaine de piastres. Naturellement,- on peut pas s'attendre à
ce que son parrain et sa marraine l'habillent comme mon père et ma mère l'ont
fait pour Denise.
— Whow ! C'est
pas pantoute la même chose, protesta Gérard. Ta mère coud
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