Des rêves plein la tête
?
— Vous savez,
madame Morin, j'ai pas un mot à dire sur les décisions de notre aumônier. C'est
lui qui vient interroger les enfants en classe et qui décide.
— Ben, je vais
aller le voir, lui, fit Laurette avec détermination. Il va m'expliquer ce que
mon Jean-Louis lui a fait.
La cloche indiquant
la reprise des classes sonna sur ces entrefaites.
— C'est peut-être
ce que vous avez de mieux à faire en effet, conclut l'institutrice. Bonne
chance, madame. Je dois y aller pour aller faire prendre les rangs aux enfants
dans la cour.
— Merci, madame,
eut tout de même la politesse de dire Laurette avant de prendre congé.
Toujours
courroucée, la mère de famille quitta l'école et descendit la rue Fullum
jusqu'à la rue Sainte-Catherine. Arrivée devant le presbytère, elle poussa le
portillon en fer forgé de la petite clôture entourant le parterre et sonna à la
porte. Madame Gagnon vint lui ouvrir et la reconnut. Les deux femmes se
saluèrent et s'informèrent de leur santé.
— Est-ce que vous
pensez que je peux parler à l'abbé Saint-Onge? demanda Laurette. La cuisinière
fit passer Laurette dans l'étroite salle située à droite de la porte d'entrée
et la pria d'attendre.
Quelques minutes
plus tard, le jeune vicaire, tout souriant, la fit pénétrer dans une autre
petite pièce.
— Assoyez-vous, madame.
Que puis-je pour vous? demanda-t-il aimablement en prenant place derrière un
vieux bureau.
— Ben, monsieur
l'abbé, je voulais savoir pourquoi vous voulez pas que mon garçon fasse sa
confirmation avec les autres, dit Laurette sans détour en lui tendant la
feuille rose qu'elle venait de tirer de sa bourse.
La mère de
famille était tout de même un peu intimidée. Au changement d'air du vicaire à
la vue du document, elle sentit tout de suite que son interlocuteur, malgré ses
airs aimables, pouvait devenir facilement cassant.
— Tout d'abord,
madame Morin, dit l'abbé Saint-Onge après avoir jeté un coup d'œil au nom de
l'enfant qu'il refusait de voir faire sa confirmation, je dois vous dire que
votre Jean-Louis est pas le seul enfant de la paroisse qui pourra pas faire sa
confirmation à la Pentecôte. Ils sont six qui pourront pas la faire parce que
je juge qu'ils sont pas prêts à la faire. Ils savent pas assez bien leur
catéchisme. Dans ces conditions-là, ils comprennent pas toute l'importance de
renouveler l'engagement que leurs parents ont pris pour eux lors de leur
baptême. C'est aussi simple que ça.
— Oui, je
comprends, fit Laurette, un peu domptée, mais moi, j'ai dépensé une fortune
pour l'habiller comme du monde pour sa confirmation. On a quatre enfants, nous
autres, monsieur l'abbé, et on n'aura pas pantoute les moyens de recommencer
les mêmes dépenses l'année prochaine.
— Mais l'habit
est pas si important que ça, madame, voulut la raisonner le jeune prêtre.
— On dit ça, mais
un enfant aime pas faire rire de lui parce qu'il est pas habillé comme les
autres, plaida Laurette. Et l'année prochaine, il va avoir grandi et je pourrai
pas l'habiller une autre fois.
— Bon.
— Il y aurait pas
moyen d'arranger ça, monsieur l'abbé ? demanda-t-elle en adoptant un ton
raisonnable. Le petit a
ben de la misère
à comprendre, même si je l'aide tous les soirs à apprendre son catéchisme.
C'est pas de la mauvaise volonté et il est loin d'être fou. Il est juste un peu
lent. Mais une fois que c'est entré dans sa tête, ça en sort plus, par exemple.
Si ça se trouve, il les savait ben les réponses aux questions que vous lui avez
posées, mais il est tellement gêné qu'il a pas été capable d'ouvrir la bouche.
Florent
Saint-Onge sembla réfléchir durant quelques instants avant de reprendre la
parole.
— Bon. Si vous
voulez attendre un petit moment, je vais aller consulter monsieur le curé. Je
serai pas long, ajouta-t-il en se levant et en quittant la pièce.
Le jeune vicaire
croisa Raymond Léger dans le couloir.
— Qu'est-ce que
tu ferais si t'étais à ma place, Raymond ? lui demanda-t-il après lui avoir
brièvement expliqué le problème.
— Il y a pas de
quoi faire un drame avec ça, répondit son confrère avec un large sourire. T'as
juste à dire à la mère de lui faire repasser son catéchisme chaque soir et de
t'envoyer son garçon le vendredi avant la confirmation pour que tu puisses
l'interroger à nouveau. Tu lui promets que son
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