Des rêves plein la tête
depuis toujours et
pouvait faire la robe de la petite. Ça a pas dû lui coûter ben cher en
matériel. Pour un garçon, il est pas question de coudre un habit et, de toute
façon, ma mère est comme toi, elle coud pas. Ça fait qu'il faudrait que mon
père paie et ça aurait pas d'allure.
— Il aurait
peut-être pu. À ce que je sache, ton père et ta mère ont pas cinquante
filleuls, ils en ont juste un. En tout cas, ça change rien au fait qu'on va
être poignés pour l'habiller.
— Fais ce que tu
peux, concéda Gérard, heureux de s'en remettre à sa femme, comme chaque fois
qu'il s'agissait de problème d'argent.
Le samedi
suivant, Laurette entraîna donc Jean-Louis chez Dupuis Frères. Elle entreprit
de lui acheter tout ce
qu'il lui fallait
pour «avoir l'air d'un vrai petit monsieur» le jour de sa confirmation, comme
elle ne cessait de le lui répéter. Elle ne chercha pas à économiser.
N'avait-elle pas l'assentiment de son mari ? N'était-elle pas celle qui gérait
le budget? Elle acheta donc plus que le nécessaire, allant même jusqu'à lui
procurer une chemise blanche neuve, même s'il en possédait déjà une. De retour
à la maison, elle força son fils à endosser ses vêtements neufs pour montrer à
son père à quel point ils lui allaient bien.
— Ça a dû coûter
pas mal cher tout ça, dit Gérard en examinant son fils que sa mère forçait à
tourner sur lui-même.
— Pour coûter
cher, ça a coûté cher, confirma Laurette. Mais ça fera à Gilles et à Richard
quand ce sera leur tour de faire leur confirmation et leur première communion,
expliqua-t-elle à son mari en examinant Jean-Louis d'un œil critique.
Une semaine plus
tard, un simple papier rose en provenance de l'école Champlain mit le feu aux
poudres. Ce midi-là, Jean-Louis revint à la maison la mine basse. Il tendit à
sa mère une feuille que lui avait remise son institutrice quelques minutes plus
tôt. Laurette finit de servir de la fricassée à ses enfants avant de lire le
document.
— Ben voyons donc
! s'exclama-t-elle, stupéfaite. Ça a pas d'allure pantoute, cette affaire-là!
Elle est complètement folle, cette maîtresse d'école-là !
Jean-Louis ne dit
rien, se contentant de regarder son assiette placée devant lui.
— Qu'est-ce que
t'as fait encore ? lui demanda sa mère.
— Rien, m'man. La
maîtresse m'a donné ça juste avant que la cloche sonne.
— Elle t'a pas
dit pourquoi tu pourras pas faire ta première communion cette année ?
— Non.
— Ah ben, verrat,
par exemple ! Ça se passera pas comme ça ! Denise, tu vas rester ici dedans
après le dîner pour garder tes petits frères, ordonna-t-elle à sa fille. Je
dois aller à l'école de ton frère, puis tout de suite à part de ça.
Après le dîner,
la mère de famille, bouillant toujours de colère, prit la direction de l'école
Champlain en compagnie de son fils. En arrivant devant l'imposante façade en
pierre de l'édifice, elle ordonna à Jean-Louis :
— Va-t'en dans la
cour d'école. Moi, je dois passer par en avant, je suppose, si je veux voir ta
maîtresse.
Un peu
essoufflée, elle escalada l'escalier abrupt qui conduisait à la porte
principale de l'école et sonna pour se faire ouvrir. Le concierge la fit entrer
et alla frapper à la porte du directeur pour lui apprendre qu'une mère voulait
voir madame Clément. Le directeur, un quinquagénaire à l'apparence sévère,
sortit de son bureau, salua d'un bref signe de tête la mère de famille et
ouvrit la porte voisine pour appeler l'institutrice de première année.
Celle-ci apparut
presque immédiatement à la porte et reconnut la mère de Jean-Louis qu'elle
avait déjà rencontrée en deux occasions au cours de l'année scolaire.
— Bonjour,
madame. Qu'est-ce que je peux faire pour vous ? demanda-t-elle, aimable, à la
visiteuse qui s'était avancée vers elle.
— Je voudrais
savoir pourquoi vous avez donné ce papier-là à mon garçon? fit Laurette en
brandissant la feuille rose, sans se donner la peine de saluer l'institutrice
de son fils.
— Je m'excuse,
mais je ne l'ai pas lu, dit Cécile Clément en prenant le papier. C'est l'abbé
Saint-Onge qui l'a laissé
avant de partir
cet avant-midi. C'est lui qui s'occupe de la préparation des enfants à leur
confirmation.
— Trouvez-vous ça
normal, vous, que mon garçon ait pas le droit de faire sa confirmation cette
année
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