Des rêves plein la tête
les dimanches, lui fit remarquer son grand-père Honoré.
— Oui, puis
t'auras pas le droit de boire et de manger à partir de minuit la veille si tu
veux aller communier à la messe, ajouta sa grand-mère Brûlé.
— À part ça,
précisa Gérard, tu vas être obligé de faire comme ta sœur et d'aller prendre
les rangs dans la cour de l'école tous les dimanches matins avant de venir à la
messe avec ta maîtresse d'école.
Le petit
Jean-Louis accueillit ces nouvelles obligations sans s'émouvoir. Pour le
moment, il était surtout soulagé d'en avoir fini avec toutes ces célébrations
et dégustait son morceau de gâteau avec gourmandise.
Les convives
demeurèrent chez les Morin jusqu'à quatre heures de l'après-midi avant de
prendre congé et de rentrer chez eux.
— Ouf! Une bonne
affaire de faite! déclara Laurette en vidant les cendriers et en déposant sur
le comptoir les verres sales. Toi, Jean-Louis, va te changer avant de tacher
ton habit neuf.
Gérard laissa sa
femme et sa fille procéder au rangement de la maison. Il sortit sur le balcon
arrière pour profiter de l'air frais apporté par la pluie qui venait de
s'arrêter. Quand il retourna à l'intérieur, Laurette était assise dans sa
chaise berçante et fumait une cigarette.
— Entre nous
autres, il me semble que ton père et ta mère auraient pu se forcer un peu plus,
dit-elle à son mari. Est-ce que ça a de l'allure de donner un bénitier à un
enfant de six
ans? Tu parles d'un souvenir de première communion !
— Un missel,
c'est pas ben ben mieux, rétorqua Gérard, agacé.
— Au moins, le
missel va lui servir tous les dimanches.
Fatigué, le père
de famille s'empressa d'allumer la radio avant d'entendre Laurette formuler
d'autres critiques à l'encontre de ses parents. Cette dernière continua de
fumer en silence, en regardant ses enfants s'amuser dans la cuisine.
Chapitre 21
La jalousie
L'année scolaire
prit fin au début de la dernière semaine
de juin 1941.
Laurette allait avoir ses quatre enfants autour d'elle pour la durée de l'été.
Heureusement, Denise, âgée de presque huit ans, était maintenant en mesure de
lui rendre de menus services dans la maison quand elle n'était pas avec son
amie Colette.
Enceinte de sept
mois, la future mère avait pris passablement de poids durant les dernières
semaines. Elle avait du mal à se déplacer. Comme lors de ses grossesses
précédentes, ses jambes enflaient facilement et lui causaient des douleurs
presque insupportables! Depuis le début de la belle saison, elle se dépêchait
de se débarrasser de ses tâches ménagères durant l'avant-midi pour ne pas avoir
à travailler durant les heures les plus chaudes de la journée. Les vagues
successives de chaleur l'éprouvaient énormément et minaient son moral.
— Quand on crève
pas, il mouille à boire debout, avait-elle déclaré avec raison à Emma Gravel,
la semaine précédente.
— C'est vrai que
dans votre état, madame Morin, ça doit pas être facile, avait fait remarquer la
petite femme à la tête frisottée. Il paraît que plus on est gros, plus on
souffre de la chaleur.
— Ça, je le sais
pas, avait sèchement rétorqué Laurette, avant de retourner dans son appartement
en claquant la porte derrière elle.
— Tu parles d'une
maudite air bête ! s'était-elle emportée à haute voix. C'est gros comme un
manche à balai et ça se pense mieux que les autres. Elle, ça va prendre une
mèche de temps avant que je lui reparle.
Les jours
suivants, Laurette était tout de même allée se
scruter devant le
miroir de sa chambre à coucher à de
v
nombreuses
reprises pour se convaincre qu'elle n'était pas si grosse que la voisine
semblait le laisser entendre.
— Maudit verrat,
je suis en famille de sept mois, c'est sûr que j'ai un gros ventre ! Mais après
mon accouchement, je vais être encore ben regardable. Je vais être juste un peu
en chair, murmura-t-elle.
Toutefois, il lui
était resté une inquiétude qui la rongeait et qui la rendait de mauvaise
humeur.
Par un après-midi
radieux, et dans l'espoir de profiter d'un peu plus de fraîcheur, Laurette
avait installé sa chaise berçante pliante sur le trottoir en prenant bien soin
de ne pas regarder au-dessus de sa tête au cas où sa voisine aurait été appuyée
contre son appui-fenêtre pour «prendre l'air», comme elle le faisait
Weitere Kostenlose Bücher