Des rêves plein la tête
au rez-de-chaussée de l'une des maisons de la rue
Notre-Dame. C'était un enfant unique et sa mère ne voyait aucun inconvénient à
ce que le fils de Laurette vienne jouer avec le sien. Richard semblait surtout
apprécier le train électrique de son nouveau copain dont il ne cessait de
parler chaque fois qu'il revenait à la maison.
Après le départ
de son père, la mère de famille entreprit de faire son reprisage hebdomadaire
tout en surveillant, Carole qu'elle ne pouvait laisser sortir de la cour.
Une heure plus
tard, on sonna à la porte d'entrée. Laurette alla ouvrir et se retrouva devant
une grosse ménagère en colère qui tenait son Richard sans ménagement par un
bras.
— C'est à vous,
ce petit bum-là ? s'écria-t-elle en secouant le gamin.
— Whow ! lui cria
une Laurette, rouge de fureur, en faisant un pas vers elle, menaçante. Vous
allez lâcher mon gars parce que c'est moi qui vais vous secouer.
L'inconnue jugea
tout de suite plus prudent de laisser aller le gamin qui s'empressa de se
réfugier derrière sa mère.
— Où est-ce que
vous restez d'abord? demanda Laurette, l'air sévère.
— Au bout
d'Archambault, à côté des Gariépy, répondit l'autre.
— Qu'est-ce que
vous faites avec mon gars ?
— C'est là que je
l'ai ramassé avec son chum. Vous savez ce qu'ils ont fait, ces petits
maudits-là ? répliqua-t-elle sur un ton outragé.
— Non, aboya
Laurette sur le même ton. Qu'est-ce qu'ils ont fait ?
— Je les ai
poignés à casser nos pintes de lait vides après avoir volé les coupons qu'on
avait mis dedans pour le laitier, madame.
— Êtes-vous ben
sûre de ça? demanda une Laurette, beaucoup moins menaçante.
— Vous avez juste
à regarder dans les poches de ses culottes. Je l'ai vu moi-même cacher des
coupons là.
— loi, approche,
ordonna Laurette à son fils qui pleurnichait sans trop de conviction, debout
derrière elle. Vide-moi tes poches.
Richard obéit et
retourna les poches de sa culotte courte. Deux coupons de lait tombèrent à ses
pieds. Le visage de Laurette se crispa et devint tout rouge.
— Entre dans la
maison et va m'attendre dans la cuisine ! Combien ils ont brisé de bouteilles
de lait ? demanda-t-elle plus doucement à la ménagère toujours aussi furieuse,
restée debout devant elle.
— Ils m'en ont
cassé deux. Ils en ont cassé une chez madame Gagné et trois autres chez madame
Gariépy.
— Je suppose que
vous, vous aviez mis deux coupons ?
— Ben oui.
— Attendez une
minute, je vais aller chercher un dix cennes pour vous payer vos pintes vides.
Prenez toujours vos coupons en attendant, ajouta-t-elle en les lui tendant.
Avant de repartir
avec le dédommagement offert, la femme eut l'honnêteté de lui dire que la mère
du petit Lévesque avait payé les autres pintes brisées. Laurette se contenta de
la saluer sèchement d'un hochement de tête avant de refermer la porte.
Quand elle revint
dans la cuisine, elle trouva son fils déjà agenouillé dans la cuisine, face au
mur.
— Toi, si tu
grouilles de là, je t'assomme, le menaça-t-elle, en réprimant difficilement son
envie de le battre comme plâtre.
Elle ouvrit la
porte arrière, descendit dans la cour et traversa la grande cour jusqu'à la petite
clôture en bois. La mère d'André était justement occupée à étendre un drap sur
sa corde à linge quand elle aperçut Laurette. La grande femme maigre s'empressa
de venir à sa rencontre.
— Ils en ont fait
des belles, nos deux moineaux, lui dit-elle. Je les pensais tous les deux en
train de jouer dans votre cour, madame Morin.
— Moi, je les
croyais dans la vôtre, répliqua Laurette. J'étais certaine qu'ils s'amusaient
chez vous. Les petits-maudits ! Il faudrait toujours les avoir à l'oeil.
— Je pense que le
mieux est qu'ils arrêtent de jouer ensemble, annonça la voisine, comme à
regret. On dirait qu'ils s'entraînent l'un l'autre à nous faire des coups de
cochon.
— Vous avez ben
raison. Si on les laisse ensemble, ils vont finir par nous faire haïr par tout
le monde, ajouta Laurette avant de tourner les talons.
De retour dans sa
cuisine, elle menaça à nouveau son fils qui l'avait probablement épiée derrière
la fenêtre.
— Toi, attends
que ton père arrive ! Il va t'en faire des cassages de pintes de lait. Tu vas
en manger toute une. En attendant, tu sors pas de la maison de la
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