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Des rêves plein la tête

Des rêves plein la tête

Titel: Des rêves plein la tête Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel David
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autres? demanda Laurette, amère, en retirant son
manteau de printemps.
     
    Honoré tenta bien
de la consoler le dimanche suivant en lui rappelant que le rationnement allait
bien prendre
     
    fin un jour.
Selon lui, beaucoup d'appartements allaient se libérer quand la construction
reprendrait.
     
    — Je veux ben le
croire, p'pa, répondit Laurette, mais tout ça nous rendra pas plus riches.
     
    Le lundi, à la
fin de la matinée, elle tendit le bail signé à Armand Tremblay, la mort dans
l'âme. Il était dit quelque part qu'elle passerait encore une année au 2318,
rue Emmett.
     
    À son grand
étonnement, Laurette constata que bien peu de familles des rues Emmett et
Archambault déménagèrent ce printemps-là. De toute évidence, ils avaient
accepté l'augmentation de leur loyer sans trop de difficulté.
     
    Pour sa part,
toujours assis près de la radio, Gérard se préoccupait davantage des avancées
des troupes alliées entrées en Allemagne que du voisinage. On espérait la
reddition des troupes nazies d'un jour à l'autre.
     
    Puis ce fut enfin
l'annonce de la victoire tant attendue. Cette nouvelle provoqua la joie et la
frénésie dans la population montréalaise. Les reporters de la radio décrivirent
des scènes délirantes qui avaient lieu dans le centre-ville. Cependant,
Laurette et Gérard ne participèrent pas aux festivités célébrant la victoire
des alliés organisées dans les rues de leur quartier. Trois des enfants avaient
alors la varicelle et Laurette avait du mal à surmonter une vilaine grippe.
     
    Pour dire la
vérité, la fin de la guerre en Europe marqua beaucoup moins les Morin que
l'éclatement des deux bombes atomiques sur Hiroshima et Nagasaki au mois d'août
suivant. En outre, la mort de quarante et un mille sept cents soldats canadiens
durant la guerre finit par leur apparaître presque dérisoire comparativement
aux millions
     
    de Juifs qu'on
disait avoir été tués dans les camps d'extermination nazis.
     
    Si Gérard
discutait volontiers des conséquences probables du conflit, Laurette n'avait
qu'une idée en tête: repousser loin derrière elle les souvenirs de cette
guerre, comme ceux de la crise.
     
    Le dernier mardi
après-midi de mai, elle alla inscrire Richard à l'école Champlain pour le mois
de septembre. Il faisait un temps magnifique et une douce chaleur rendit la
promenade agréable.
     
    A son retour à la
maison, elle retira sa robe de sortie pour enfiler ce qu'elle appelait une
«robe de semaine». Le bruit d'une voiture s'immobilisant devant la fenêtre de
sa chambre l'incita à soulever un coin du rideau pour regarder à l'extérieur.
     
    — Verrat, .pas
elle en plus ! s'exclama-t-elle à mi-voix en voyant sa belle-mère descendre de
la Dodge bleue de son frère Paul. Toute la famille va m'avoir tombé dessus en
trois jours !
     
    Le dimanche
précédent, Colombe et son mari étaient venus passer quelques heures chez les
Morin et Laurette n'était pas loin de croire que sa belle-sœur était au moins
aussi pénible à endurer que sa mère.
     
    Une lassitude
teintée d'humeur poussa Laurette à laisser Lucille sonner à deux reprises avant
de venir lui répondre. Elle la découvrit, debout sur le pas de la porte,
pressant un mouchoir sur son nez.
     
    — Tiens, de la
grande visite ! s'écria-t-elle. Entrez donc, madame Morin. Êtes-vous toute
seule ? ajouta-t-elle en ne voyant plus la voiture de l'oncle de son mari.
     
    — Bien oui, ma
fille. Mon frère m'a laissée chez vous pour une petite heure, le temps d'aller
faire réparer son auto. Il va me reprendre tout à l'heure. Il tenait absolument
à m'amener souper chez lui, à Joliette.
     
    — Il aurait ben
pu entrer.
     
    — Il était
pressé.
     
    — Qu'est-ce que
vous avez à tenir un mouchoir comme ça ? Saignez-vous du nez ?
     
    — Non. C'est la
senteur. Je peux pas m'y habituer. Laurette eut un rictus et fit un effort pour
demeurer
     
    aimable.
     
    — Vous pouvez
mettre votre mouchoir dans votre sacoche, ça sent rien dans la maison,
dit-elle. Venez vous asseoir dans la cuisine. Je vais vous servir une tasse de
thé ou un verre de liqueur.
     
    — Une tasse de
thé, si vous voulez.
     
    Laurette mit de
l'eau à chauffer sur le poêle pendant que Lucille passait une main sur le siège
de l'une des chaises avant de s'y asseoir. Sa bru avait remarqué le geste et
eut du mal à se retenir de lui adresser une remarque acerbe.
     
    — Où sont les
enfants ? demanda Lucille, qui ne

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