Des rêves plein la tête
peu
avant le souper. Je vais être revenue à cinq heures.
— C'est correct,
accepta Annette qui la regarda se diriger vers la porte d'entrée.
Après avoir entendu
la porte se refermer, Annette ne put s'empêcher de faire remarquer à son mari :
— Pour moi, ça a
pas marché pan toute entre les Morin et Laurette.
— Pourquoi tu dis
ça ?
— Il y a juste à
lui regarder le visage pour s'en apercevoir.
A l'extérieur,
Laurette retrouva son amoureux l'attendant debout sur le trottoir, devant la
porte. Le couple se mit en route lentement en direction de la rue Poupart.
— Je pense que
t'as plu à ma mère, déclara le jeune homme.
— Tu penses ?
explosa Laurette. Si c'est vrai, ça a pas paru pantoute ! Ta mère m'a pas souri
une fois de l'après-midi et s'est organisée pour me parler le moins possible.
— Exagère pas,
Laurette, voulut temporiser son amoureux, apparemment surpris par sa mauvaise
humeur.
— J'exagère pas,
bonyeu! A part ça, elle aurait dû travailler dans la police, ta mère ! Pendant
que vous fumiez à côté du char, elle a pas arrêté de me poser des questions en
m'appelant «mademoiselle» gros comme le bras. J'ai jamais été aussi mal de ma
vie ! Je pense qu'elle m'haït.
— Je suis certain
que tu te fais des idées. Ma mère peut pas t'haïr, elle te connaît pas, tenta
de la raisonner Gérard.
Il y eut un long
silence entre eux avant que le jeune homme reprenne la parole.
— Qu'est-ce que
tu penses de mon père ?
— Rien. Il m'a
parlé juste pour me dire «bonjour».
— C'est vrai
qu'il avait l'air pas mal gêné, reconnut Gérard, mais tu peux pas dire que mon
oncle Paul, lui, est pas fin, ajouta-t-il, passablement dépité de voir que ses
parents n'avaient pas beaucoup plu à la jeune fille.
— En tout cas, il
est parlable, lui, laissa-t-elle tomber.
— Écoute,
Laurette. Il faut pas que tu te fasses des idées. Mon père et ma mère ont rien
contre toi. Ils sont pas comme ça d'habitude. Ils sont juste jamais à l'aise
avec les gens qu'ils connaissent pas. Tu vas voir. La prochaine fois que tu vas
les rencontrer, tu vas les trouver ben corrects.
— En tout cas,
j'aime autant te dire tout de suite que je suis pas pressée pantoute de les
revoir, déclara son amie sur un ton vindicatif.
— T'as trouvé mon
oncle Paul parlable, mais quand tu vas le connaître un peu mieux, tu vas
peut-être le trouver pas mal plus fatigant, dit Gérard en faisant un effort
pour changer l'humeur de la jeune fille.
— Pourquoi?
— D'abord, quand
il commence à venir chez quelqu'un, il arrête plus. Quand il restait à
Saint-Hyacinthe, on voyait rarement ma tante Françoise, mais lui, il venait
dîner ou souper trois ou quatre fois par semaine.
— C'était
peut-être parce qu'il se sentait ben reçu.
— Non. C'était
pour sauver de l'argent. Il y a pas plus gratteux que lui. Comme on n'a pas de
parenté à Montréal, je me demande où il va manger... En tout cas, essaye jamais
de lui faire sortir une cenne de ses poches. Tu l'as entendu dans le char,
c'est mon père qui payait le gaz aujourd'hui.
— J'espère au
moins que t'es pas comme lui, dit Laurette, en esquissant enfin un sourire.
— Pas de danger,
j'ai pas de char, plaisanta son ami.
— Ta mère m'a
demandé si je t'aimais, lui apprit Laurette.
— Qu'est-ce que
tu lui as répondu ? demanda le jeune homme, curieux.
— Rien, parce que
je trouve que ça la regarde pas. Elle m'a même demandé si on avait des projets
d'avenir.
— Et?
— Je lui ai dit
de te le demander.
— T'as ben fait,
l'approuva Gérard en serrant son bras sous le sien.
— Ça me dit pas
si t'en as, par exemple, murmura Laurette, soudainement mutine.
— J'en ai
peut-être. On en parlera dans le temps des fêtes, si tu m'as pas mis dehors
avant ça.
— Je vais essayer
de t'endurer au moins jusque là, juste pour savoir ce que t'as en tête,
répliqua Laurette qui avait enfin retrouvé sa bonne humeur.
Chapitre 4
La grande demande
Un mois plus
tard, les frères Brûlé revinrent de la ferme de leur oncle, heureux de rentrer
à la maison après avoir travaillé aux champs durant tout l'été. Ils avaient
encore grandi et se conduisaient maintenant en adoptant ce qu'ils croyaient
être un comportement d'homme.
Deux jours après
leur retour, leur sœur perdit patience quand
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