Des rêves plein la tête
rosissant
légèrement.
Elle se doutait
bien un peu de ce que Gérard allait lui dire. Ils se fréquentaient depuis plus
d'un an. Il devait sûrement avoir le mariage en tête.
— Qu'est-ce que
tu dirais si je te demandais en mariage à ton père ?
Même si elle
s'était un peu attendue à cette proposition, elle en fut bouleversée. Depuis
plusieurs mois, elle n'avait cessé de rêver à ce moment et elle avait imaginé
toutes sortes de scénarios dans lesquels Gérard demandait sa main à son père.
Folle de joie, la
jeune fille se jeta dans les bras de son amoureux et l'embrassa ardemment. Son
baiser contenait sa réponse et scellait en quelque sorte un engagement ferme
entre eux.
— Je veux ben,
finit-elle par répondre après avoir repris son souffle. Quand est-ce qu'on se
marierait?
— Qu'est-ce que
tu dirais de l'automne prochain? chuchota Gérard.
— Pourquoi aussi
tard ? Pourquoi pas ce printemps ou même cet été ? demanda Laurette, un peu
dépitée d'avoir à attendre encore presque un an avant de devenir madame Morin.
— Écoute,
Laurette. On s'aime, c'est sûr, mais il faut de l'argent pour s'installer. Je
gagne juste neuf piastres par semaine. C'est pas gros. Je donne cinq piastres
tous les vendredis aux Charpentier pour ma pension. J'ai commencé à économiser,
mais ça va pas vite. Si on se dépêche trop, on va être obligés de vivre en
chambre quelque part, et ça, ça me tente pas. Je veux qu'on parte sur le bon
pied, chez nous, dans notre appartement à nous autres.
Laurette reconnut
la justesse du raisonnement de son amoureux, même si elle trouvait passablement
frustrant d'avoir à attendre si longtemps.
— Quand est-ce
qu'on va se fiancer ? demanda-t-elle.
— Ça dépendra de
tes parents tout à l'heure. S'ils veulent qu'on fasse ça à Pâques, ça me
dérange pas. Qu'est-ce que t'en penses ?
— C'est correct.
En as-tu parlé chez vous que tu voulais me marier l'automne prochain ?
— Non. J'ai pas
voulu mettre la charrue devant les bœufs. Je voulais d'abord t'en parler et
demander ta main à ton père.
— D'après toi,
qu'est-ce qu'ils vont dire quand tu vas leur apprendre la nouvelle ?
— Ils vont être
ben contents que je me case. Aie pas peur ! Est-ce que tu pourrais demander à
ton père de venir au salon pour que je lui fasse la grande demande ?
— Tout de suite ?
— Pourquoi pas...
Quand Honoré
entra dans la pièce, précédé par sa fille, Gérard Morin se leva précipitamment.
La voix un peu tremblante, il demanda au père de famille de lui accorder la
main de Laurette. Ce dernier accepta sans aucune hésitation et appela sa femme
demeurée dans la cuisine en compagnie de ses deux fils.
— Annette, lui
dit-il, un peu ému, lorsqu'elle pénétra dans le salon, Gérard vient de me
demander notre fille en mariage. Je lui ai dit oui. Qu'est-ce que t'en penses ?
— Je pense qu'il
va lui faire un bon mari, répondit sa femme avec un large sourire.
Lorsque les
parents de Laurette interrogèrent le prétendant sur les dates envisagées pour
les fiançailles et le grand événement, ils acceptèrent sans discuter ses
explications, trouvant chez le jeune homme de vingt et un ans une maturité
plutôt rassurante.
Vers onze heures,
tous quittèrent l'appartement pour se rendre à la messe de minuit qui avait
lieu à l'église Saint-Vincent-de-Paul, rue Sainte-Catherine. Ils trouvèrent
difficilement une place dans le temple déjà envahi par plusieurs centaines de
fidèles. Durant la messe, Laurette s'empara discrètement de la main de son futur
époux. Un coup de coude de sa mère attira son attention.
— Tiens-toi comme
du monde, lui ordonna-t-elle, les dents serrées. C'est pas la place !
Laurette eut un
geste d'agacement, mais ne lâcha pas moins la main de son compagnon. De retour
à la maison, tout le monde conserva son manteau, le temps que le poêle à bois,
rallumé, apporte un peu de chaleur dans l'appartement. On se rassembla dans la
cuisine. Pendant que les pâtés à la viande cuisaient dans le fourneau, Laurette
et sa mère dressèrent une véritable table de fête sous le regard affamé des
hommes de la maison.
— Vous pourriez
vous rendre utiles en approchant au moins les chaises de la table, finit par
leur dire Annette avec une pointe d'impatience.
— On devrait
peut-être donner les cadeaux avant de manger, lui suggéra
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