Des rêves plein la tête
allaient prendre place dans l'un des
premiers bancs, Annette aida sa fille à
retirer son
manteau. Honoré tendit ensuite le bras à Laurette pour la conduire à l'un des
deux fauteuils placés devant la sainte table, près de celui que Gérard occupait
déjà. Au passage du père et de sa fille, les têtes se tournèrent dans leur
direction et les invités leur adressèrent des sourires. Laurette aperçut avec
plaisir Suzanne et son mari. Elle leur fit un petit signe de la main.
Le cœur battant à
tout rompre, la jeune fille vint s'asseoir à côté de Gérard, figé dans son
costume noir. Son col en celluloïd semblait l'étrangler légèrement et ses mains
ne cessaient de bouger. Tournant légèrement la tête, la future mariée aperçut
le père et la mère de Gérard en train de chuchoter avec des inconnus assis
derrière eux.
Le curé Monette
entra alors dans le chœur en compagnie de ses deux servants de messe. Il
célébra le mariage, bénit l'union et adressa quelques mots aux nouveaux époux
en insistant sur l'importance du sacrement qu'ils venaient de recevoir. Il leur
rappela qu'ils venaient de s'unir pour la vie et qu'ils s'étaient juré amour et
assistance jusqu'à la fin de leurs jours. Il mentionna à plusieurs reprises que
la femme devait obéissance à son mari, ce qui eut le don d'agacer un peu la
mariée. Dès la bénédiction finale, l'organiste plaqua les premiers accords de
la marche nuptiale de Mendelssohn pendant que Gérard et Laurette descendaient
l'allée centrale, suivis par les invités de la noce.
À la sortie de
l'église, l'assemblée dut se plier aux exigences du professionnel rétribué pour
photographier le groupe. On s'entassa, debout, sur les marches de l'église.
Tout le monde prit ensuite la direction de l'appartement de la rue Champagne.
— T'as ben
entendu monsieur le curé ? chuchota Gérard à l'oreille de sa femme. Tu dois
m'obéir.
— Aïe, exagère
pas ! répliqua Laurette, sérieuse. Je me suis pas mariée avec toi pour être ton
esclave.
— Je faisais
juste une farce...
— J'espère,
dit-elle en lui adressant un sourire un peu contraint.
A leur arrivée
chez les Brûlé, les nouveaux mariés furent félicités et embrassés avec effusion
dès que chacun eut retiré son manteau et ses bottes. Pour leur part, Honoré et
Annette ne perdirent pas de temps et se mirent à distribuer des verres d'alcool
et de la bière «pour ouvrir l'appétit et, surtout, pour réchauffer»,
disaient-ils. Même si elle était fort occupée à remercier chaque invité,
Laurette remarqua que les Morin s'étaient regroupés dans un coin du salon et ne
se mêlaient pas à sa famille. Sa belle-mère se tenait au centre du groupe et
arborait l'air si déplaisant qu'elle avait lors de leur première rencontre,
deux ans plus tôt.
Quand vint
l'heure du repas, la plupart des Morin se regroupèrent à une même extrémité de
la table dressée dans le salon malgré les incitations à se disperser d'Annette
et d'Honoré. Il fallut que les hôtes fassent des efforts considérables durant
tout le dîner pour que les deux familles échangent un peu. Deux cousines et une
tante de Laurette aidèrent à faire le service. À plusieurs reprises, les
nouveaux époux durent se lever pour s'embrasser devant les convives qui
frappaient bruyamment la table de leurs ustensiles. Bien peu de Morin
participèrent à ce genre d'encouragements. L'air pincé que la plupart d'entre
eux affichaient laissait croire qu'ils jugeaient cette coutume déplacée et de
fort mauvais goût. Au dessert, Gérard et Laurette coupèrent le gâteau sous les
applaudissements des invités.
La table fut finalement
enlevée du salon et les chaises retrouvèrent leur place le long des murs. Il
faisait tellement chaud dans l'appartement que les hommes décidèrent de retirer
leur veston. Honoré dut même entrouvrir quelques fenêtres pour laisser sortir
un peu de fumée et rafraîchir l'atmosphère. Pendant que Paul Bouchard et Adrien
Parent sortaient
violon et accordéon, Armand et Bernard distribuaient des consommations. Les
danses pouvaient commencer.
Quelques minutes
plus tard, les Charpentier ainsi que deux autres couples de voisins, invités
par Annette et Honoré la semaine précédente, se joignirent à la fête. Ils
n'hésitèrent pas à participer aux danses, ce qui aida beaucoup à améliorer
l'ambiance parce que les membres de la famille de Gérard ne dansaient
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