Des rêves plein la tête
le curé Monette baptisa Marie Denise Morin à l'église
Saint-Vincent-de-Paul. Conrad et Lucille Morin vinrent de Saint-Hyacinthe en
compagnie de leur fille Colombe pour assister à la cérémonie. Le père et la
mère de Gérard enviaient bien un peu Honoré et Annette d'être «dans les
honneurs», comme ils disaient, mais ils étaient intimement persuadés que le
jeune couple finirait bien par engendrer un garçon, ce qui allait leur
permettre d'être parrain et marraine à leur tour.
. Au retour de
l'église, Annette servit un léger goûter aux invités. Ces derniers ne
s'attardèrent pas trop dans l'appartement de la rue Emmett, prétextant le
besoin de repos de la mère et de l'enfant.
Pour sa part, le
digne curé Monette ne se doutait pas, cet après-midi-là, avoir baptisé pour une
dernière fois un enfant de la paroisse dont il dirigeait les destinées depuis
de nombreuses années.
Le lendemain, le
prêtre fut convoqué à l'archevêché par monseigneur Bruchési. Ce dernier le
remercia d'avoir servi si longtemps dans une si grande paroisse du diocèse. Du
même souffle, le prélat lui apprit qu'en raison de son âge, il le nommait
aumônier de l'hôpital Hôtel-Dieu de Montréal dès la fin du mois de septembre.
— Vous allez
voir, monsieur le curé, vous allez être bien traité par les sœurs, lui prédit
son évêque en se levant pour signifier la fin de l'entrevue. Elles vont être
aux petits soins avec vous. A votre âge, il est normal que vous vous laissiez
gâter un peu.
Le soir même, le
brave homme annonça la nouvelle à ses vicaires et au président de son conseil
de fabrique. Ce dernier réunit en secret les marguilliers dès le lendemain soir
pour organiser une fête d'adieu au curé Monette que tous appréciaient
énormément. Les abbés Claveau, Saint-Onge et Léger acceptèrent avec joie de
participer activement à l'événement.
Six semaines plus
tard, la veille de son départ, le curé Monette fut attiré dans le sous-sol de
son église sous un faux prétexte. Au moment où il poussait la porte, il
découvrit avec stupéfaction que l'endroit était envahi de paroissiens qui
avaient tenu à venir le remercier pour son dévouement et à lui souhaiter une
bonne retraite. Après quelques discours et la remise de cadeaux, les
organisateurs invitèrent l'assemblée à partager les gâteaux et les boissons
gazeuses disposés sur les tables.
Honoré et Annette
participèrent à l'événement. En cette occasion, la mère de Laurette fit la
connaissance d'une dame qui demeurait rue Dufresne, tout près de la rue
Champagne. Au cours des années, elle l'avait croisée à de nombreuses reprises
sans jamais lui avoir adressé la parole. Elle apprit alors qu'elle se nommait
Amélie Dussault et qu'elle travaillait à titre de ménagère au presbytère. Son
mari était homme à tout faire à la maison mère des sœurs de la Providence, rue
Fullum.
— Ça doit être
pas mal plaisant de travailler dans une belle maison comme le presbytère, dit
aimablement Annette.
— Il y a pire,
madame Brûlé, reconnut la quadragénaire au strict chignon. Mais ça empêche pas
qu'il y a des périodes dans l'année où j'aimerais bien avoir de l'aide pour
faire le grand ménage d'automne, par exemple. Ça a l'air de rien, mais le
presbytère est pas mal grand et quatre hommes qui fument, ça salit pas mal.
— Qu'est-ce qui
vous en empêche? lui demanda Annette.
— Il faudrait que
je trouve quelqu'un de fiable et d'honnête, répondit Amélie Dussault. C'est pas
aussi facile que ça en a l'air. S'il fallait que je fasse entrer au presbytère
quelqu'un qui volerait quelque chose, on me le pardonnerait pas.
— Je vous
comprends, fit Annette.
— En tout cas, si
jamais vous connaissez une femme honnête et capable de me donner un bon coup de
main, je pourrais demander à madame Gagnon, la cuisinière, de l'engager une
couple de jours quand on a un grand ménage à faire, fit la ménagère. C'est elle
qui a l'argent pour le manger et le ménage. Elle m'a encore dit la semaine
passée que je devrais me faire aider.
— J'y pense,
madame Dussault. Ma fille reste dans la paroisse et elle a pas peur de
l'ouvrage. Je peux ben lui en parler pour voir si ça l'intéresse. En tout cas,
avec elle, vous auriez pas à vous inquiéter pour l'honnêteté. Elle prendrait
pas une cenne qui est pas à elle. Il y a juste un problème : elle a accouché il
y a un mois
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