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Des rêves plein la tête

Des rêves plein la tête

Titel: Des rêves plein la tête Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel David
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peuvent ben avoir l'air
bête, bout de viarge !
     
    Quelques semaines
auparavant, les voisins habitant à gauche des Morin étaient partis sans laisser
de grands regrets à Laurette. Les Dubé étaient des gens discrets et peu liants
qui s'étaient toujours limités à la saluer quand elle les croisait. Le 1er mai,
ils avaient été remplacés par de drôles de gens qui avaient immédiatement
suscité la curiosité des habitants des rues Emmett et Archambault.
     
    — Il paraît que
ce sont des Italiens, avait dit Gérard de retour de chez Comtois.
     
    — Il y en a
combien dans ce logement-là ?
     
    — D'après ce que
Comtois m'a dit, il y a le grand-père, la grand-mère, la mère, le père et trois
enfants.
     
    — As-tu vu la
vieille et sa fille ? Elles sont habillées en noir de la tête aux pieds. On
dirait des corneilles, bonyeu ! Si ça a de l'allure de s'habiller comme ça!
Elles font peur.
     
    — De toute façon,
nous autres, ça nous regarde pas, avait conclu Gérard. D'abord qu'ils nous
dérangent pas, ils peuvent ben s'habiller comme ils veulent.
     
    — Moi, je me
demande ben ce qu'ils viennent faire ici, avait ajouté sa femme. Il me semble
qu'il y a ben assez de chômeurs sans prendre en plus des étrangers.
     
    Les habitants du
quartier découvrirent rapidement que les Dorselli étaient des gens effacés qui
se mêlaient peu au voisinage. Plusieurs voisines en furent rassurées, les
trouvant trop bizarres, mais d'autres furent attristées de ne pouvoir percer à
jour cette mystérieuse famille.
     
    — En tout cas,
c'est du monde ben propre, finit par déclarer Laurette qui admirait la
blancheur du linge étendu sur leur corde.
     
    — C'est vrai ce
que vous dites là, avait approuvé Cécile Lozeau. En plus, je sais pas ce qu'ils
font à leurs enfants, mais on les entend pas pantoute
     
    — Moi, je serais
curieuse de savoir ce que ça mange, ce monde-là. J'espère qu'ils mangent pas
juste des pissenlits.
     
    — On va finir par
le savoir. On va être ben placées toutes les deux pour voir s'il va pousser
quelque chose dans leur jardin, conclut la voisine avant de remonter chez elle.
Pendant les semaines suivantes, Laurette eut tout le temps de voir pousser les
légumes dans le jardin des voisins parce qu'elle ne sortit pratiquement pas de
chez elle. Certains soirs, elle aurait bien aimé que Gérard l'amène au parc
Lafontaine avec les enfants. Il aurait aussi pu lui proposer de faire garder
Denise et Jean-Louis par sa mère pour qu'ils puissent aller voir au moins une
fois La Bolduc au Monument-National. Rien à faire. Depuis que le premier
ministre Godbout avait déclenché la campagne électorale, Gérard n'était
intéressé que par les prochaines élections. Dès qu'il mettait les pieds à la
maison, il suivait les débats radiophoniques et lisait tout ce qui se
rapportait à la campagne.
     
    — La maudite
politique ! explosait de temps à autre sa femme, excédée. Est-ce qu'il y a
quelque chose de plus plate que ça ?
     
    — C'est parce que
tu y connais rien, se contentait de rétorquer Gérard, assis près de la radio en
lui faisant signe de se taire.
     
    Le 26 août, à la
fin d'une journée torride, le jeune père de famille prit place, comme
d'habitude, près de la radio au moment même où la célèbre voix d'Albert
Duquesne quittait les ondes pour être remplacée par celle de Roger
     
    Baulu. Même si on
n'en était qu'aux premières heures de la soirée, l'annonceur était déjà prêt à
donner les premiers résultats du scrutin. Une heure plus tard, il était bien
évident que l'Union nationale était en voie de remporter sa première victoire.
Les libéraux semblaient en pleine déroute.
     
    A dix heures,
Gérard renonça à veiller plus tard. Il éteignit le poste et se frotta les mains
de contentement.
     
    — Maintenant, ils
vont voir ce que Duplessis va faire, exulta-t-il. Lui, c'est mon homme.
     
    — Fais-moi pas
rire, toi, le rembarra sa femme. T'es même pas allé voter.
     
    — Puis après ?
C'est pas mon vote qui aurait fait une différence, tu sauras.
     
    Lorsque Laurette
se mit au lit quelques minutes plus tard, elle eut au moins la satisfaction de
se dire que c'en était fini avec la politique. Avant de s'endormir, elle eut
une pensée pour ses beaux-parents, qu'ils n'avaient pas revus depuis le
printemps précédent. Lorsque Gérard avait prédit qu'ils les bouderaient
longtemps après leur refus de déménager à Saint-Hyacinthe, il ne

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