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Dieu et nous seuls pouvons

Dieu et nous seuls pouvons

Titel: Dieu et nous seuls pouvons Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Folco
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Mais tu aurais dû me demander. J’espère au moins que ça en
valait la peine, parce qu’à voir ta tête, on pourrait en douter.
    Justinien resta muet. Martin
n’insista pas et reprit son minutieux travail. Pour l’interrompre à nouveau.
    — Tu n’es pas malade ?
    — Malade ? Non, je ne
pense pas.
    A moins que ce lancinant désir de
voir et surtout de toucher Mouchette fût une maladie.
    — Tu prends l’air ébaudi, mais
il est temps que tu saches que lutiner peut avoir de fâcheuses conséquences. On
appelle ça une chaude-pisse, parce que quand tu pisses, ça brûle comme du feu…
Pibrac avait une méthode infaillible pour se guérir : il faisait maigre
trois mois et ne buvait que de l’eau de pluie.
    — C’est pour ça qu’il ne s’est
jamais marié ?
    — Non.
    Jetant un coup d’œil dans la maison
pour s’assurer qu’Éponine ne pouvait l’entendre, Martin avoua :
    — Moi non plus, je ne me serais
jamais marié s’il avait survécu. Je t’ai déjà raconté qu’on voulait s’enrôler
comme soldats dans les troupes du comte-évêque. Il disait toujours des femmes
qu’elles ont la nature du melon et qu’il faut en goûter cent avant d’en trouver
une bonne. Nous, par prudence, on s’était juré d’en goûter mille.
    Justinien soupira en murmurant, pour
la millionième fois sans doute :
    — J’aurais tant aimé être avec
vous ! Tu crois que moi aussi, j’aurai un ami comme Pibrac ?
    Les yeux du vieil homme s’embuèrent.
    — C’est ce que je peux te
souhaiter de mieux, mon garçon…
    Après une nuit exécrable pendant
laquelle il ne cessa de se tourner et de se retourner sur son matelas,
Justinien expédia ses corvées traditionnelles du matin, puis, n’y tenant plus,
courut jusqu’au pont. Les berges étaient vides, les saltimbanques avaient levé
le camp.
    Il erra autour du foyer aux cendres
encore tièdes et sa gorge se serra douloureusement à la vue de l’herbe encore
aplatie, là où Mouchette étalait sa couverture bariolée.
    Quand il retourna au bourg, il était
porteur d’une nouvelle décision irrévocable : il allait se procurer de
l’argent par n’importe quel moyen, il allait rattraper les saltimbanques, il
allait retrouver Mouchette.
    Il connaissait trois
cachettes : celle de l’économe du monastère, celle de l’écrivain public et
celle des Coutouly.
    Cette dernière étant d’emblée
écartée, il opta pour la première, la plus fournie.
    Choisissant l’office des vêpres, il
s’introduisit dans le monastère en passant par l’arbre proche du mur d’enceinte
que les vigilants empruntaient depuis toujours chaque fois qu’ils voulaient
sortir sans autorisation.
    Pénétrer chez l’économe, soulever la
statuette de l’Enfant-Jésus comme il le lui avait vu faire pendant des années
et s’emparer du coffret caché sous le socle fut aisé. Il accompagnait Éponine
chaque fois qu’elle était venue se faire bailler son salaire de nourrice.
    Le coffret ne renfermait qu’un écu
de six livres et deux liards. Il empocha les trois pièces, replaça le coffret
et s’apprêtait à fuir lorsqu’il avisa le lumignon qui brûlait en permanence
devant la statuette. Dans un état second, il le posa contre le rideau
dissimulant dans le mur les étagères où étaient rangées les archives comptables
du monastère. Quand il sortit, le rideau s’enflammait.
    Il était loin lorsqu’il entendit la
cloche sonner le tocsin. Désormais, plus rien ne pourrait être comme avant.
    Alertés par le tocsin, les
villageois accoururent vers le monastère. Il se cacha dans les ruines du vieux
moulin et attendit que la voie fût libre pour en sortir.
    Les Coutouly dormaient profondément
lorsque Justinien déplaça la lourde plaque de fonte de la cheminée et enleva
les quatre briques derrière lesquelles était dissimulé le magot de ses parents
adoptifs. Son intention première était de se compter les neuf livres manquantes
pour arriver à quinze. Mais quand il en vit plus de trois cents au fond de la
cassette, il ne résista pas et en vola vingt de mieux. « Je ne t’aurais
jamais cru capable d’une telle beuserie », se dit-il avec effarement tout
en remettant les briques en place. Après un dernier regard sur la maison qui
l’avait abrité vingt ans durant, il s’enfonça dans les ténèbres faiblement
éclairées par une demi-lune.
    Justinien marcha toute la nuit, se
retournant fréquemment, sursautant au moindre cri de chouette.
    Le

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