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Dieu et nous seuls pouvons

Dieu et nous seuls pouvons

Titel: Dieu et nous seuls pouvons Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Folco
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rivière.
    Jamais journée ne fut aussi
longue ; au point qu’à plusieurs reprises il crut que le soleil avait
interrompu sa course. Quand il ne pensait pas à Mouchette, il croyait voir son
profil dans un nuage, il sentait son odeur partout et brandonnait aussitôt
comme un cerf en rut.
    En soirée, trop impatient pour
attendre que ses parents se soient endormis, il avala son dîner à toute vitesse
et sortit sur un : « J’ai quelque chose à faire d’important. »
Déjà il était dehors, à l’abri de leurs questions.
    Les saltimbanques festoyaient
joyeusement quand il arriva à leur campement Sa vue redoubla leurs rires.
    Il pensait à la monnaie de son écu
avec inquiétude lorsque Mouchette, les lèvres luisantes de graisse de poulet,
vint l’embrasser à pleine bouche.
    Il s’assit parmi eux et accepta le
flacon de vin que lui tendait Baldo. Quelques instants plus tard, il éclatait
de rire à leurs méchantes plaisanteries sur non nez. Quand il sut qu’ils
étaient tous originaires de Marseille, il leur posa des questions sur les
bateaux, sur la mer, sur les possibilités d’embarquement.
    L’instant qu’il attendait finit par
arriver : Mouchette ramassa sa couverture bariolée et se dirigea vers les
bosquets. Il se leva pour la suivre mais la tête lui tourna et il dut s’appuyer
contre le chariot pour ne pas perdre l’équilibre.
    — Tu demandais tout à l’heure
quel effet ça faisait d’être sur un bateau une nuit de roulis, eh bien, c’est
comme ça, l’informa Baldo d’un ton moqueur.
    Quand Justinien rejoignit la jeune
danseuse, celle-ci était déjà nue et chantonnait d’une voix fluette A la
claire fontaine.
    Une fois encore, le temps passa
étonnamment vite, rythmé par les piqûres de moustique.
    Il faisait nuit noire quand il
rentra chez lui en rasant les murs, soucieux de ne pas croiser la patrouille du
guet qui n’aurait pas manqué de s’étonner de sa présence dehors à une heure
aussi tardive.
    — Mon Dieu, qu’ai-je
fait ! ! ! se lamentait-il devant l’ampleur de la faute commise.
Ainsi je ne suis donc qu’un misérable libertin, un exécrable ribaud qui a bondi
sur la première occasion de débauche !
    Ce qui venait de se produire sur le
bord de la rivière relevait du péché mortel. Or, contrairement au péché véniel
(du latin venialis, «  digne de pardon »), le péché mortel
condamnait automatiquement son auteur à l’enfer. Pis, cet après-midi, comme
chaque samedi, il devait se rendre à confesse au monastère de l’ordre. L’idée
de mentir à son parrain le navrait, mais il n’existait pas d’autre solution.
C’était mentir (par omission) ou tout avouer et subir les conséquences prévues
par la loi, qui punissait la bougrerie caractérisée par la castration suivie du
bûcher purificateur.
    Quand Éponine ce matin-là le secoua
pour qu’il aille chercher le bois, il ouvrit un œil vitreux, prononça quelques
mots sans suite et se rendormit.
    — Il est peut-être
malade ? s’inquiéta Martin en approchant.
    — J’ai peur que ce soit pire.
Tiens, sens-le…
    L’ancien marin se pencha et renifla
au-dessus de la bouche entrouverte du garçon.
    — On dirait qu’il a bu un ou
deux gobelets d’huile de sarment.
    — Tu sais comme moi qu’il ne
boit jamais ! On a dû l’entraîner, mais qui ? Il ne fréquente
personne.
    Éponine n’avait jamais oublié qu’il
était ivre mort le soir où l’abbé Melchior le leur avait apporté et elle avait
toujours craint que l’incident le prédispose à l’ivrognerie.
    — Il a dû trinquer avec les
saltimbanques de l’autre jour. Je l’ai vu reluquer la danseuse de tarentelle,
une bien jolie baiselette, ma foi. Que veux-tu, Éponine, il est jeune homme et
c’est le printemps.
    — Tu déparles, mon ami, c’est
encore un moutard ! Il n’a même pas de poil au menton.
    — Ne te chaille pas, ma mie, ce
n’est pas une garce, c’est un couillu, alors tu connais le dicton :
« Je lâche mon coq, gardez vos poules. » De toute manière, ils seront
partis lundi…
    — Allez, laisse-le dormir, je
vais te le chercher, moi, ton bois.
    Justinien s’éveilla à midi passé.
Éponine et Martin déjeunaient.
    — Tu devrais te dépêcher de
venir nous rejoindre, mon garçon, sinon il risque de ne plus rien rester de ce
ragoût de mouton, dit ce dernier.
    Il obéit en évitant les regards
scrutateurs de sa nourrice.
    — Je vous fais excuse, je ne me
suis pas

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