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Dieu et nous seuls pouvons

Dieu et nous seuls pouvons

Titel: Dieu et nous seuls pouvons Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Folco
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Sachez toutefois, Monsieur l’Exécuteur, qu’il vous
est strictement interdit de quitter Bellerocaille sans une autorisation de
Monsieur le Baron, et seulement de ce seigneur. A part cette petite
restriction, vous êtes libre d’aller et de venir à votre guise.
    « Comme j’étais libre d’aller
et venir dans mon cachot », se dit sombrement Justinien en suivant
l’appariteur dans les couloirs. L’office de Foulques était vide.
    — Monsieur le Baron l’a fait
mander. Il vient juste de partir pour le château, les prévint l’un des
chauffe-cire.
    Justinien s’assit sur un tabouret et
attendit en s’efforçant de ramener le calme dans son esprit. Une heure passa et
il était en train d’admettre avec reluctance que sa vanité n’était pas
insensible au titre d’officier de justice délivré tout à l’heure par le prévôt
quand celui-ci réapparut, l’air plus débordé que jamais.
    — Galine est mort et avec cette
chaleur il pue déjà, cela incommode la population. Tu vas donc… Faites excuse,
vous allez donc prendre vos fonctions dès maintenant en transférant au plus
vite cette charogne aux Quatre-Chemins où vous la remettrez sur sa roue.
Otez-moi également l’échafaud.
    — Je ne peux pas tout faire
seul ! Il me faut de l’aide.
    — Je sais que vous avez droit à
deux valets, mais c’est vous qui devrez les embaucher. Débrouillez-vous.
    Foulques réfléchit un instant avant
d’ajouter :
    — Pour les frais, nous allons
pratiquer comme avant-hier. Vous commandez et vous faites expédier les mémoires
ici. Mais attention, cette fois je vous mets en garde ! Vérifiez les prix
car il n’est pas question de payer pour une hache en or massif ou un billot en
bois d’ébène… Mais avant tout, débarrassez-nous de cette puanteur… Non, avant
tout il vous faut vous vêtir honnêtement. Monsieur le Baron ne souffrirait
point de voir son exécuteur dans un accoutrement aussi misérable. Qu’en est-il
des habits de mirliflore que vous portiez lors du supplice ?
    Justinien le lui expliqua. Foulques
manda un pertuisanier les récupérer.
    — Vous les porterez dans
l’attente de ceux auxquels votre état vous astreint.
    — Et pour mon logement ?
Monsieur l’Assesseur m’a signifié l’obligation de loger près des fourches
patibulaires qui vont s’élever aux Quatre-Chemins. Mais hier quand j’y suis
passé, il n’y avait rien du tout et je doute qu’il y ait quelque chose pour
m’abriter d’ici à ce soir.
    — Je sais, je sais… Reposez-moi
cette question ce soir, Maître Pibrac, alors j’aviserai.
    Foulques sortait du château où le
baron l’avait convoqué pour lui ordonner d’accélérer la construction des
fourches patibulaires.
    — Monseigneur le Comte-Évêque
se plaît dans notre cité et prolonge son séjour, lui avait-il dit. Prenez
autant d’équipes qu’il sera nécessaire, besognez la nuit s’il le faut, mais que
mes fourches soient achevées avant son départ. Je veux qu’il puisse honorer
leur inauguration de sa présence. A propos, qu’en est-il de notre
exécuteur ?
    — Nous l’avons retrouvé et il a
signé sa lettre de commission. Il étudie en cet instant sa charte en compagnie
de Monsieur l’Assesseur Duvalier. Quand envisagez-vous cette
inauguration ?
    — Que tout soit prêt
après-demain matin. Prévoyez deux à trois bricons à pendre pour l’occasion.
    — C’est que nous ne disposons
d’aucun condamné à mort !
    — Je vous charge d’en trouver,
Monsieur de Foulques.
    — A vos ordres, Monsieur le
Baron.
     
    *
     
    Justinien avait récupéré ses beaux
habits et son escorte commandée par un exempt de la milice quand il sortit de
la prévôté et marcha vers la roue. La place était encore encombrée de curieux
fascinés par le spectacle de Galine becqueté par une dizaine de corbeaux. Il
les entendit commenter les progrès des volatiles en train d’ouvrir le ventre
pour déguster les entrailles. Certains se protégeaient de l’odeur en enfonçant
leurs nez dans des mouchoirs parfumés à l’essence de jasmin.
    Au lieu de s’occuper du cadavre, il
désobéit aux consignes en se rendant d’abord chez Maître Favaldou, président de
la corporation des armuriers-fourbisseurs de Bellerocaille, et lui commanda une
grande épée ainsi qu’une hache capable de trancher n’importe quel cou. L’épée était
destinée à la décollation des nobles, la hache à celle de tous les autres.
    Maître Favaldou

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