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Dieu et nous seuls pouvons

Dieu et nous seuls pouvons

Titel: Dieu et nous seuls pouvons Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Folco
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aux dracs, aux loups-garous, aux croquemitaines et autres pères
fouettards : il était continuellement évoqué aux enfants désobéissants
(« Et si tu n’es pas sage, je vais appeler le Pibrac et tu sais ce qu’il
fait aux garnements de ton acabit ! »). On leur prêtait aussi le
pouvoir de jeter des sorts. Il se souvint de sa mère lui contant que les
habitants de l’oustal de la croisée du Jugement-Dernier commandaient aux
chauves-souris qui, comme chacun sait, vous rendent aveugles si elles
s’oublient sur vous.
    — Cinq mille francs-or,
mazette ! On va avoir tout le pays à nos basques, grogna Ducasse.
    Thomas acquiesça, le visage repétri
par l’inquiétude. Il y avait de quoi en pensant au nombre d’individus prêts à
trucider père et mère pour cent francs-papier… à commencer par sa fine équipe
d’assassins de grands chemins.
    — On devrait p’t-être s’mettre
au vert quelque temps. On pourrait aller dans le causse Noir. Je connais des
grottes où il est facile de se dissimuler, proposa Marius. Qu’est-ce que tu en
penses, capitaine ?
    — D’accord pour se faire
oublier, mais pas dans des grottes.
    — Et pourquoi, peuchère ?
Elles sont grandes et presque pas humides. Je les connais, je m’y suis caché à
l’époque où je travaillais avec le sacristain.
    — Je les connais aussi, elles
sont pleines de chauves-souris.
    — Et alors ? Il y en a
toujours eu, elles sont inoffensives.
    — Elles l’étaient. Mais
maintenant qu’on a trucidé des Pibrac, tout est possible. Il va falloir se montrer
TRES prudent. Beaucoup plus que d’habitude.
    Les chauffeurs se regardèrent,
certains froncèrent les sourcils. Le capitaine était-il en train de
dérailler ? On ne l’avait jamais vu ainsi auparavant.
    — Cinq mille francs-or !
Vous vous rendez compte ? J’aurais jamais imaginé qu’un bourrel puisse
être aussi riche. Oh, capitaine, tu y crois, toi, qu’il a tout cet or ?
    — J’ai toujours entendu dire
que les Pibrac étaient riches. Ils ont un grand domaine près de Sauveterre et
on dit qu’ils ont plusieurs maisons de rapport à Rodez et Albi.
    — Et son or, tu crois qu’il le
garde chez lui ?
    Thomas lui lança un regard venimeux.
Il comprit où le Nîmois voulait en venir. Les autres aussi, qui se
rapprochèrent pour faire cercle.
    — Comment veux-tu que je le
sache ?
    — S’il offre autant, c’est
qu’il a plus, dit Zek.
    Thomas piqua une colère.
    — Même pour un million, je
n’irais pas me frotter au Septième. On voit que vous n’êtes pas d’ici et que
vous ne le connaissez pas.
    Guez, l’hercule, cracha par terre.
    — Bourrel ou pas, moi, y ne me
fout pas la venette. Moi, pour cinq mille francs-or, je chourave sous le lit de
Lucifer en personne.
    Thomas les regarda avec
commisération.
    — Je vous dis que les Pibrac
portent malheur. Voyez le résultat ! On est maintenant obligés de se
cacher et on va rater la bonne saison.
    Suivant un rythme identique à celui
de l’agriculture, le cycle annuel du brigandage rural s’accélérait au printemps
et en été pour se ralentir à la morte-saison et hiberner en temps de neige.
    — N’empêche… tout cet or !
    Thomas considéra Guez un instant
avant de secouer la tête d’un air dégoûté.
    — Tu connais nos conventions.
Chacun est libre de quitter la bande quand bon lui semble. Je ne force personne
à rester avec moi. Si le cœur t’en dit, vas-y, mon gars, mais ne compte pas sur
moi pour m’en prendre à un Pibrac… En attendant, il serait plus prudent de
lever le camp. Peut-être qu’on vous a repérés à Laissac, peut-être qu’on vous a
filochés jusqu’ici, lança-t-il en direction de Raflette et de Marius qui, vexés
dans leur conscience professionnelle, haussèrent les épaules.
     
    *
     
    Les jours suivants furent
éprouvants : ne se sentant en sécurité nulle part, Thomas changeait de
refuge presque chaque soir, ce qui exaspérait ses hommes. La plupart songeaient
à le trahir et à empocher la récompense, mais achoppaient sur la façon de s’y
prendre : en effet, comment dénoncer sans se dénoncer soi-même ?
Aucun n’était assez sot pour s’imaginer que l’or serait remis sans
preuves ; il existait même de fortes chances pour qu’il ne le soit
qu’après l’arrestation de la bande…
    Zek, le jeune gitan d’Estrémadure,
se décida le premier en apprenant que l’Hippolyte Pibrac dont son chef faisait
si grand cas n’était qu’un

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