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Dissolution

Dissolution

Titel: Dissolution Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Christopher John Sansom
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l’État prenant de l’ampleur sous l’égide de mon mentor, j’avais pu répondre
favorablement à sa demande.
    Mark choisit d’arriver en avril 1533, afin d’assister au
couronnement de la reine Anne Boleyn. Il prit grand plaisir aux impressionnantes
cérémonies en l’honneur de la femme qu’on nous apprendrait plus tard à
considérer comme sorcière et fornicatrice. Il avait alors seize ans, mon âge
lorsque j’étais venu dans le Sud. Il n’était pas grand, mais il avait de larges
épaules et des yeux bleus ; son visage d’ange à la peau lisse me rappelait
celui de sa mère, même si la sage intelligence luisant dans ses yeux pâles lui
appartenait en propre.
    Je dois avouer qu’au début je souhaitai qu’il s’en aille de
chez moi le plus vite possible. Je n’avais aucune envie d’agir in loco
parentis pour un gamin qui, j’en étais sûr, claquerait bientôt les portes
et ferait tomber par terre des documents, et dont le visage et le corps
réveillaient tous les sentiments que j’associais à la maison de mon enfance. Je
pensais que mon père devait regretter que Mark ne fût pas son fils au lieu de moi.
    Mais mon désir d’être débarrassé de lui finit par s’apaiser. Ce
n’était pas le paysan balourd que j’avais imaginé. Au contraire, il se montrait
calme, respectueux, et possédait des rudiments de savoir-vivre. Lorsqu’il
commettait une erreur dans le code vestimentaire ou dans la manière de se tenir
à table, il savait se moquer de lui-même avec humour. Dans les emplois
subalternes de secrétariat que j’avais obtenus pour lui, on le disait
consciencieux. D’abord à l’Échiquier, l’administration centrale des finances, et
ensuite aux Augmentations. Je le laissais aller et venir à sa guise et, s’il se
rendait dans les tavernes et les bordels fréquentés par ses collègues, il n’était
jamais ni bruyant ni saoul à la maison.
    Je m’attachai à lui malgré moi et pris l’habitude de
soumettre à son esprit agile certains cas ou des points juridiques
particulièrement épineux que j’avais à traiter. Son seul défaut était la
paresse, mais quelques vifs reproches suffisaient en général à le faire bouger.
Loin d’être agacé que mon père ait pu regretter de ne pas l’avoir pour fils, j’aurais
voulu qu’il fût le mien. Je n’étais pas sûr d’avoir jamais un fils, la pauvre
Kate étant morte en 1534 pendant l’épidémie de suette. Je portais toujours une
bague à tête de mort en sa mémoire, avec une certaine présomption d’ailleurs, puisque
si elle avait vécu elle aurait sans doute épousé quelqu’un d’autre.
    **
    Une heure plus tard, Joan m’appela pour dîner. Un beau chapon
trônait sur la table, avec un accompagnement de carottes et de navets. Mark
était tranquillement assis à sa place, vêtu à nouveau de sa chemise et d’un
pourpoint de fine laine marron. Je notai que le pourpoint était lui aussi orné
de boutons d’agate. Je dis le bénédicité et découpai une cuisse de poulet.
    « Eh bien ! fis-je, il semble que lord Cromwell
songe à te reprendre aux Augmentations. Il veut d’abord que tu m’aides dans une
mission qu’il m’a confiée. Nous verrons ensuite. »
    Six mois plus tôt, Mark avait eu une liaison avec une
demoiselle d’honneur de la reine Jeanne. Elle n’avait que seize ans, était trop
jeune et trop écervelée pour être à la cour, mais des parents ambitieux l’y
avaient poussée. Elle occasionna finalement leur disgrâce, car elle se mit à
vagabonder partout dans l’enceinte des palais de Westminster et de Whitehall, avant
de se retrouver dans les salles de Westminster où travaillaient juristes et
secrétaires. Ce fut là que la petite dévergondée rencontra Mark, et ils firent
bientôt l’amour dans un bureau vide. Plus tard, s’étant repentie, elle avoua
tout aux autres dames d’honneur et, comme il fallait s’y attendre, l’histoire
parvint aux oreilles du grand chambellan. La donzelle fut renvoyée dans ses
foyers et, ayant mangé son pain blanc, Mark se retrouva dans le pétrin. Lorsqu’il
fut cuisiné par des hauts dignitaires de la maison royale, il ne comprit pas ce
qui lui arrivait et eut très peur. Malgré mon irritation, j’éprouvais de la
pitié pour lui. Après tout, il était très jeune. J’avais demandé à lord
Cromwell d’intervenir, sachant qu’il pouvait se montrer indulgent, à propos de
cette sorte d’inconduite en tout cas.
    « Merci, monsieur, dit

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