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Dissolution

Dissolution

Titel: Dissolution Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Christopher John Sansom
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et de poires. Je mis pied à terre pour en acheter
afin d’apaiser ma faim. Alors que je faisais manger une pomme à Chancery, je
remarquai, dans une ruelle adjacente, un groupe d’une trentaine de personnes chuchotant
fébrilement devant une taverne. Était-ce un nouvel apprenti illuminé qui se
prenait pour un prophète après une lecture erronée de la nouvelle traduction de
la Bible ? Dans ce cas, il avait intérêt à se méfier du guet.
    Deux personnes mieux mises se tenaient aux abords de la foule.
Je reconnus William Pepper, avocat près la Cour des augmentations, à côté d’un
jeune homme portant un pourpoint à crevés aux couleurs criardes. Curieux, évitant
le caniveau plein d’urine, je conduisis Chancery sur les pavés dans leur
direction. Lorsque je parvins à sa hauteur, Pepper me découvrit.
    « Tiens, tiens ! Shardlake ! Ça m’a manqué
tout ce trimestre de ne pas te voir trotter partout de cour en cour. Où
étais-tu passé ? » Il se tourna vers son compagnon. « Permets-moi
de te présenter Jonathan Mintling, frais émoulu de l’École de droit et
bienheureuse nouvelle recrue de la Cour des augmentations. Jonathan, je vous
présente messire Matthew Shardlake, le bossu le plus brillant des tribunaux
anglais. »
    Je m’inclinai devant le jeune homme, sans relever la
référence grossière à mon infirmité. J’avais eu raison de Pepper à la barre peu
de temps auparavant et une langue d’avocat est toujours prompte à la vengeance.
    « Que se passe-t-il ici ? » demandai-je.
    Il éclata de rire.
    « Il y a une femme à l’intérieur qui affirme posséder un
oiseau des Indes sachant converser aussi bien qu’un Anglais. Elle va l’amener
dehors. »
    La rue descendant vers la taverne, je pouvais assez bien
observer la scène malgré ma petite taille. Une vieille femme corpulente, vêtue
d’une robe crasseuse, apparut sur le seuil.
    Elle portait une barre de métal reposant sur un trépied. Perché
sur une tige transversale se trouvait l’oiseau le plus bizarre que j’eusse
jamais vu. Plus gros que la plus grosse corneille, il possédait un court bec se
terminant par un terrible crochet et un plumage rouge et or si brillant que, se
détachant sur le gris sale de la rue, il éblouissait presque les yeux. La foule
fit cercle.
    « Ne vous approchez pas davantage ! s’écria la vieille
femme d’une voix suraiguë. J’ai fait sortir Tabitha, mais elle n’ouvrira pas le
bec si vous vous bousculez trop près d’elle.
    — On veut l’entendre parler ! lança quelqu’un.
    — Je veux être payée pour mes peines ! hurla sans
vergogne la vieille commère. Tabitha ne parlera que si vous jetez tous un liard
à ses pieds !
    — C’est sans doute une ruse », se moqua Pepper, tout
en jetant lui aussi son quart de penny au pied de la barre.
    La vieille femme ramassa les pièces dans la boue avant de s’adresser
à l’oiseau.
    « Tabitha, cria-t-elle, dis : « Vive le roi
Henri ! Une messe pour la malheureuse reine Jeanne ! » »
    L’oiseau parut ne faire aucun cas de sa demande. Il s’agitait
sur ses pattes écailleuses tout en fixant la foule d’un œil vitreux. Puis il
cria soudain, d’une voix fort semblable à celle de la femme : « Vive
le roi Henri ! Une messe pour la reine Jeanne ! » Les
spectateurs du premier rang se reculèrent spontanément d’un pas et des bras se
levèrent pour faire le signe de la croix. Pepper siffla.
    « Que dis-tu de ça, Shardlake ?
    — Je n’en sais rien. Il y a sûrement quelque astuce.
    — Recommencez ! s’écria l’un des plus hardis. Refaites-le !
    — Tabitha, dis : « Mort au pape ! Mort à
l’évêque de Rome ! "
    — Mort au pape ! À l’évêque de Rome ! Dieu
protège le roi Henri. » Les badauds étouffèrent un cri d’effroi. L’oiseau
étendit les ailes. Je vis qu’il ne volerait jamais plus car on les lui avait
sans pitié coupées à moitié. Il enfouit son bec crochu dans sa poitrine et
commença à se lisser les plumes.
    « Si vous voulez entendre la suite, rendez-vous sur le
parvis de Saint-Paul demain ! lança la commère. Dites à tout le monde que
vous savez que Tabitha, l’oiseau parlant des Indes, sera là à midi. Rapporté du
Pérou où des centaines d’oiseaux similaires bavardent à qui mieux mieux dans
une immense ville nichée dans les arbres ! » Et sur ce, s’arrêtant un
bref instant pour ramasser deux pièces qu’elle n’avait pas vues plus tôt,

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