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Dissolution

Dissolution

Titel: Dissolution Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Christopher John Sansom
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décorées. C’étaient sans
doute des reliques et des images enlevées aux monastères dissous et dont nous, les
tenants de la Réforme, voulions voir cesser l’adoration. Descendues de leur
piédestal et entassées sous la pluie, elles étaient enfin dépouillées de leur
pouvoir. Réprimant une bouffée de pitié, après un morne signe de tête au groupe
de moines, je fis passer Chancery sous la voûte interne.
    **
    Parvenu aux écuries, je me séchai avec une serviette fournie
par le palefrenier, puis pénétrai dans le palais. Je montrai la lettre de lord
Cromwell au garde, lequel, portant bien haut sa hallebarde étincelante, me
conduisit de la zone publique au dédale des corridors intérieurs.
    Il me fit franchir une grande porte flanquée de deux autres
gardes et je me retrouvai dans une salle longue et étroite, illuminée de
bougies. Cette ancienne salle des banquets contenait désormais d’un bout à l’autre
des rangées de pupitres sur lesquels des commis vêtus de noir triaient des
monceaux de correspondance. Un premier clerc, grassouillet et de courte taille,
les doigts noircis par l’encre de nombreuses années d’écriture, s’avança vers
moi avec empressement.
    « Messire Shardlake ? Vous êtes en avance. »
Je me demandai comment il m’avait reconnu, mais je compris qu’on lui avait
annoncé un bossu.
    « Le temps s’est montré clément… jusqu’à ces derniers
instants. » Je jetai un coup d’œil à mes hauts-de-chausses détrempés.
    « Le vicaire général m’a enjoint de vous conduire à lui
dès votre arrivée. »
    Il me fit traverser la salle, passer devant les commis qui s’activaient
dans un bruissement de papiers, leurs bougies vacillant dans le courant d’air
créé par notre passage. Je me rendis compte de l’étendue du réseau tissé par
mon maître. Les commissaires ecclésiastiques et les magistrats locaux, chacun
assisté de son propre réseau d’informateurs, avaient ordre de signaler la
moindre rumeur de mécontentement ou de trahison. On se livrait alors à une
enquête judiciaire extrêmement rigoureuse et d’année en année les sanctions
devenaient plus sévères. Une révolte contre les changements religieux s’était
déjà produite. Une autre risquait d’ébranler le royaume.
    Le clerc s’arrêta devant une grande porte s’ouvrant au bout
de la salle. Il me pria d’attendre, frappa et entra en faisant un profond salut.
    « Messire Shardlake, Votre Seigneurie. »
    **
    Contrairement à la salle des secrétaires, le bureau de lord
Cromwell était fort sombre. Par ce lugubre après-midi, un seul petit chandelier
était allumé à côté de la table de travail. Alors que la plupart des hauts
personnages de l’État auraient fait tendre leurs murs des plus somptueuses
tapisseries, les siens étaient couverts du sol au plafond de placards contenant
des centaines de tiroirs. La pièce était encombrée de tables et de coffres
jonchés de rapports et de listes. Un grand feu de bûches flambait dans une
vaste cheminée.
    Je ne le vis pas tout de suite. Puis, près d’une table tout
au bout de la pièce, je discernai sa silhouette trapue. Il tenait à la main un
coffret dont il étudiait l’intérieur, le sourcil froncé et en faisant la moue, la
lèvre mince de sa grande bouche pendant au-dessus de son menton en galoche. Dans
cette position, sa mâchoire évoquait un terrible piège susceptible de s’ouvrir
à tout moment et de ne faire de vous qu’une bouchée. Il se tourna vers moi et, changeant
de mine avec sa rapidité et son aisance habituelles, me sourit d’un air affable
tout en me saluant d’un geste de la main. Je fis une profonde révérence en grimaçant,
car j’avais le dos roide après ma longue chevauchée.
    « Approchez, Matthew ! » La voix grave et
gutturale était accueillante. « Vous avez fait du bon travail à Croydon. Je
suis content que l’affaire compliquée de Black Grange soit résolue.
    — Merci, Votre Seigneurie. » M’approchant, je
remarquai la chemise noire sous la robe aux parements de fourrure. Il
intercepta mon regard.
    « Vous êtes au courant de la mort de la reine, n’est-ce
pas ?
    — Oui, Votre Seigneurie, et j’en suis désolé. » Je
savais qu’après l’exécution d’Anne Boleyn il avait lié son sort à celui de
Jeanne Seymour et de sa famille.
    « Mmm ! Le roi est désemparé. »
    J’abaissai le regard vers la table. Je fus surpris d’y voir
empilés un grand nombre de

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