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Don Juan de Tolède, mousquetaire du Roi

Don Juan de Tolède, mousquetaire du Roi

Titel: Don Juan de Tolède, mousquetaire du Roi Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Benoît Abtey
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de l’audace, elle ne tremble pas, et elle frappe à la tête. L’image gravée sur la cible l’incita à donner le meilleur d’elle-même. C’était une caricature du Mazarin, placardée sur une porte. Notre frondeuse, Dieu merci, ne semble guère avoir de respect pour les prêtres en général et les cardinaux de France en particulier. Je suis allé l’approcher, avant son départ. La raison en est simple… Encore le jeu, encore l’argent. Je venais de faire un pari avec quelques amis, également présents sur les lieux : obtenir tôt ou tard de notre frondeuse l’un de ces baisers – cela fait tout son prix – que ce soleil de mars semblerait avoir tant de mal à donner. Pour réussir, j’ai un délai de deux semaines. Il me faut juste un premier baiser devant mes témoins : les parieurs, qui seraient alors cachés aux environs pour reconnaître leur défaite et saluer ma victoire. J’ai donc commencé ma cour. En toute honnêteté, je crois que la jeune louve ne me résistera pas longtemps.Elle sort les griffes, mais je suis tout miel et je reste patient. Votre proposition change mes plans. Mais il faut s’adapter. Cette frondeuse, ma carte maîtresse, pourrait peut-être, effectivement, me rapporter davantage encore. Avec un peu de chance – j’aime cumuler les défis –, qui sait, je pourrais toucher la récompense du baiser, avoir le baiser qui est une récompense en soi-même, car la femme est belle, et enfin obtenir la plume de l’oiseau : ma part de profit soldant ma participation à la mise en œuvre de ce coup d’État.
    — Mais cela me semble parfait.
    — Je dois cependant tout savoir. Qui est l’homme de l’attentat auquel ont songé vos cabaleurs ?
    — Cela, je dois le garder secret.
    — Mon ami, si la confiance entre nous n’est pas totale, nous ne ferons point affaire.
    Fargis attend un instant. Il hésite. Il finit par parler :
    — Lanteaume, Hyppolite de Lanteaume.
    — … Ah ! Cela complique les choses.
    — Et pourquoi donc ?
    — Coïncidence. Notre jeune femme est justement la protégée de Lanteaume, sa favorite.
    — Peste !
    — Gardez le sourire mon ami, au fond, tout est bien, cet inconvénient est probablement un avantage. Tout comme vous, monsieur le subalterne, mais pour des raisons différentes : la nature de son sexe, la peur de la perdre, tout comme vous, disais-je, cette jeune frondeuse doit être toujours tenue aux arrières. Ingrate position où l’on ronge son frein, où l’on attend son heure. Elle pourrait, par ce coup d’audace décidé en catimini, monter au créneau, prouver sa valeur, obtenir l’admiration de ses pairs, les félicitations de son maître, ces compliments que ce genre d’homme ne prononce que du bout des dents, et qu’il faut aller chercher à la force du poing. Oui, je me suis un peu renseigné sur mon gibier. Lanteaume est comme un père pour cette fille. Mais un père autoritaire et jaloux de son affection, en somme, un père comme les autres. Elle cherche à lui plaire. L’amour gauche et silencieux que lui porte Lanteaume ne lui suffit pas. Ce qu’elle veut, c’est être reconnue pour sa valeur par son mentor, quitte à lui couper l’herbe sous le pied. Ce Lanteaume n’est pas seulement son parangon,c’est aussi son rival, elle veut le surpasser… démon de l’orgueil. Fort bien, nous flatterons ce démon, nous allons lui tendre une perche. Il faudrait évidemment, cela va de soi, qu’elle ne dise rien à son protecteur, qu’elle agisse de son propre chef, qu’elle fasse, tout comme vous, bande à part. C’est périlleux, mais c’est envisageable. Monsieur Fargis, conclut Philippe de La Veyre en tendant la main à son interlocuteur qu’il congédie avec amabilité, je crois que nous nous sommes tout dit. La balle est désormais dans mon camp.
    Une lumière dans la nuit
    Peu de temps après cet entretien qu’il aurait été fâcheux de manquer, un carrosse, comme nous l’avons dit, va prendre la route. Ce carrosse, c’est encore celui de Desdémone.
    Elle a quitté son lit sans un bruit, avec la légèreté d’un fantôme. Entouré de flambeaux, son bel amant Hercule de Maisonneuve y dort à poings fermés. L’Italienne, avant de partir, est restée un instant à genoux, comme en adoration, devant cette figure désormais assagie, auréolée de bonheur. Elle a déposé un baiser au front pâle du jeune homme, elle a respiré l’encens de ses cheveux, en fermant les yeux, puis elle s’est vêtue de

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