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Don Juan de Tolède, mousquetaire du Roi

Don Juan de Tolède, mousquetaire du Roi

Titel: Don Juan de Tolède, mousquetaire du Roi Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Benoît Abtey
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adressons. Je dois vous ouvrir mon cœur. Je suis amoureux.
    — La connaît-on ? demande le comédien.
    — Vous l’avez vue m’affronter par les armes, pas plus tard qu’hier.
    — Cette jeune frondeuse ?
    — Surnommée l’Alouette, oui.
    — … Diable, l’affaire est sérieuse. Vous savez pourtant qu’elle n’embrasse pas et moi je sais que cette farouche enfant est un intrépide brigand, menant sa guerre dans les rangs de monsieur de Lanteaume, bandit d’honneur, détrousseur des riches, grand ennemi du pouvoir, de Richelieu jadis, et de monsieur Son Éminence le cardinal de Mazarin désormais.
    — Je ne l’ignore pas, monsieur Molière. Mais que voulez-vous, le cœur a ses raisons que la raison ignore, quand on aime, on ne choisit pas, on se laisse envahir. Il me faut la fleur des poèmes. Soyez mon traducteur.
    — N’aviez-vous pas avec vous un troubadour ?
    — Fortunio ? Je l’ai perdu pour ce soir. Du reste, je ne peux plus attendre. Je brûle. Et puis, je veux un air de Paris… de la couleur locale pour cette enfant du pays. Allez, monsieur Molière, au travail !
    Don Juan prend sa bourse et en verse la moitié sur la table.
    — Voici pour l’encre, les mots et le papier. Et pour imprimer à grands frais votre lettre ouverte.
    Puis, il prend quelques pièces supplémentaires qu’il met à côté en disant :
    — Voici pour le vin et l’ivresse. Une fois de plus, Bacchus et Cupidon travailleront de concert.
     
    Eh oui, l’hôtelier va devoir attendre avant de fermer ses portes.
    Le poème est composé sur le vif. Hélas, nous bûmes tant ce soir-là que seuls les premiers vers me restent en mémoire.
    Dieu que la Ville est triste, tous ces murs, tous ces toits,
    J’envie l’Alouette qui chante à travers bois
    Chaque arbre est sa maison, chaque colline son clocher
    Le ciel est son palais, la nature son verger… »

Chapitre six

Rencontres
    Après avoir échangé plus d’un commentaire avec son illustre interlocuteur, monsieur le chevalier d’Artagnan doit une fois de plus coucher le jeune roi dans son lit, et se retirer avant que la reine vienne souffler la chandelle. Louis XIV n’est certes plus le même. Le voici devenu l’ami, le confident des hommes. Il partage leurs secrets. Quel privilège pour un enfant !
     
    Laissons notre jeune roi plonger dans le sommeil, laissons d’Artagnan retrouver le cardinal de Mazarin. Le chevalier et Son Éminence ont bien des choses à se dire. Bien que leurs secrets soient désormais les nôtres – du moins quelques-uns –, nous n’irons pas déranger leur nouvel entretien.
    Profitons de notre liberté pour revenir sur les lieux du drame.
    Revenons à Paris, en cette nuit du 14 mai 1643.

Fargis fait une offre
    Ce soir-là, d’Artagnan, qui, tout chevalier qu’il est, n’est pas pour autant l’égal de Dieu, n’a pas tout vu ni tout entendu. On ne peut être partout à la fois.
    Nous avons deux visites à faire. Elles sont de première importance. Il y a des choses qui ne peuvent attendre. Oui, nous devons suivre un cavalier d’abord et un carrosse ensuite. Marchons doncderrière le cavalier. D’ailleurs, la voiture partira plus tard. Peu de temps avant le lever du jour.
    Ce cavalier, c’est Fargis, l’âme damnée de monsieur Henri de Gaillusac, l’ambassadeur de la Cabale. Or monsieur Fargis fait ce soir cavalier seul. Il prend du moins ses distances, son indépendance, et vient tenter de passer accord avec un autre esprit libre… monsieur Philippe de La Veyre.
    Qui est Philippe de La Veyre ? Patience, nous allons bientôt le découvrir.
    Mais laissons entrer monsieur Fargis, qui a pris rendez-vous et qui est donc attendu, dans ce petit hôtel où monsieur de La Veyre tient ses quartiers, rue des Quatre-Vents. Ce soir, le maître des lieux a fermé sa porte à ses amis et aux amis de ses amis. Tous ces gens de bonne famille et de mauvaise vie ont dû chercher refuge sous un autre toit pour tromper l’ennui. Le mot que Fargis lui avait fait parvenir était clair : J’ai à vous parler d’un sujet de la plus haute importance, veillez à ce que nous soyons seuls.
    Quand il arrive au bas de l’hôtel, Fargis trouve une enveloppe coincée dans la porte. Ce mot est aussi lapidaire que le précédent : C’est ouvert. Montez, entrez, passez le premier couloir, je suis dans la pièce du fond. Muni de cette marche à suivre qu’il réduit en miettes en montant l’escalier, Fargis suit la consigne à la lettre. L’endroit est

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