Don Juan de Tolède, mousquetaire du Roi
ne vit rien venir.
Les amants sont conduits dans une clairière.
La troupe des cavaliers se disperse. Il ne reste en avant qu’un seul homme, celui qui semble être le chef de cette expédition. Il est grand, imposant, massif comme une tour, son visage est masqué. Cette silhouette militaire, cette allure de condottiere ne sont pas inconnues. Diego croit les reconnaître. Ce cavalier porte des gants et des bottes rouge sang. Il reste en haut de sa monture, une jument aux proportions de son maître.
— Monsieur, demande Diego en se plaçant devant Gabriela comme pour la protéger, la tenir à l’écart, vous nous avez sauvés. Nous vous devons la vie.
— Mais comme Dieu, je donne et je reprends.
L’homme enlève son masque.
Diego reste stupéfait. Il reconnaît ce spadassin qui lui vint en aide lors de son duel.
— Vous ? Décidément…
— L’autre jour, j’ignorais encore qui vous étiez. Maintenant, je le sais.
Il lève la main.
Derrière lui, trois cavaliers reviennent. Ils s’approchent et ils font descendre un prisonnier. C’est un prêtre. Et ce prêtre, c’est Francisco.
— Quand vous êtes montés sur l’échafaud, j’ai vu le regard que vous échangiez tous deux. La mort vous attendait, mais l’amour était entre vous. Un amour douloureux, pur et chaste. Je suis homme à prendre mes décisions sur le vif. Je commandai à mes hommes d’emporter un otage : ce prêtre que voici. Il fera bien l’affaire. Ces roches, dit l’homme en montrant les rocs qui entourent les arbres, seront les pierres de votre église. Prêtre, unis cet homme et cette femme par les liens sacrés du mariage.
Francisco veut se débattre, mais on le tient de force et on le pousse à obéir, en dirigeant une épée sur son dos.
Diego et Gabriela blêmissent.
Gabriela veut prendre la parole, se rebeller, mais le puissant cavalier la somme de garder le silence et de se laisser faire.
Diego ne comprend rien à cette scène.
Un mariage, ainsi. Entre ces guerriers qui sentent la sueur, le cuir et le vin. Un mariage ordonné par cet ami qui l’a trahi, par ce Judas !
Pourtant, Diego consent. Il se met à genoux, prend la main de Gabriela qui n’ose croiser son regard.
Francisco doit accomplir le rituel et officialiser cette union… ultime épreuve.
Le cavalier est satisfait.
— Mais enfin ! demande Diego, qui êtes-vous ? Que voulez-vous ?
— Je suis le capitaine Malavida, Mais ce nom n’est qu’un nom de guerre. Je suis le fils d’un prêteur lombard, un homme au triste destin. Sa maison, son corps et ses lettres ont brûlé dans un incendie criminel. Celui qui mit le feu à sa demeure ne partit pas les mains vides, il vida les coffres. Cet homme, je l’ai vu avec terreur enfoncer son poignard. J’étais au grenier, à l’étage, et je n’ai rien pu faire, j’étais paralysé par la peur. Ma passion, à cet âge, c’était d’observer les hommes, par cette ouverture laissée entre les planches du parquet. Je pouvais passer des heures à les étudier, sous tous leurs airs, tantôt caressants, suppliants ou menaçants. Celui qui se présenta ce soir-là, alors que les portes allaient se refermer, que la rue était déserte, était un aventurier revenu d’Amérique. Il ne venait pas régler ses comptes, honorer ses dettes, mais récupérer un document qui le compromettait. Avant de mourir et de lui laisser ce qu’il demandait, mon père prononça bien haut le nom de son assassin. J’ai échappé par miracle aux flammes qui dévastèrent ma maison et je suis parti… J’avais douze ans, je n’étais qu’un enfant. Je me jurai de venger mon père, mais pour cela, je devais devenir un homme, un homme impitoyable. J’ai suivi des troupes en marche, un jour, mon maître est tombé devant moi, percé d’une flèche, j’ai pris ses armes et ma colère a fait le reste. Ma peur avait disparu. Moi aussi j’ai pillé, brûlé, égorgé, dévasté. Hélas, j’avais trop attendu. Quand je suis rentré au pays, j’ai cherché le meurtrier de mon père. J’ai mis du temps à retrouver sa trace. Lui aussi avait changé de nom. Je m’apprêtais à le tuer, mais cette femme, dit-il en désignant Gabriela, m’avaitdevancé… Il restait ce fils, que j’avais secouru, par ignorance. Lui aussi fut enfermé. Je t’ai délivré pour pouvoir te tuer de mes propres mains. Je t’ai marié, pour pouvoir te prendre ta femme, c’est le salaire de ma vengeance.
Malavida ordonne à ses hommes
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