Don Juan de Tolède, mousquetaire du Roi
habitué si bien à celle qu’il éleva à la perfection ? Corneille, qui veut en avoir le cœur net, décide de faire d’une pierre deux coups. Lui aussi veut retrouver la flamme impétueuse des premiers jours. Il veut sortir de son sillon, revenir sur le devant de la scène en remontant l’escalier, comme un novice jugé de haut, mais désireux de faire éclater son génie. Il songe sans doute à t’écrire, à toi Hercule, une création originale. Il s’isole, pour échafauder son intrigue, il sent son sujet… et là, coup de théâtre, tu entres. Dansla même taverne, au moment où il s’apprête à prendre la plume. Et tu espères justement passer commande. Au lieu de venir à ta rencontre, en homme d’expérience, il attend l’opportunité. Il nous laisse patauger. Rien ne vient, nous sommes en manque de veine, la plume ne court pas, elle hésite, elle se reprend, elle se décourage, elle renonce. C’est à lui d’entrer en scène. Dieu a entendu sa prière, la suite, nous venons de la vivre.
Le message
— Il est vrai, dit don Juan de Tolède, que votre exposé est convaincant et l’on ne demande qu’à vous croire. C’est étrange, ce visage, quoi qu’il en soit, ne m’est pas inconnu. Il me rappelle de vieux souvenirs… Mais je peux me tromper.
— Et à qui pensez-vous ? demande Hercule.
— À un autre poète dont j’ai oublié le nom. Un singulier personnage qui écrivait ses mémoires en pleine rue, face au monde. J’avais vingt ans. Mais c’est loin et c’est toute une histoire.
— Ah mais, les histoires nous intéressent, s’exclame Molière.
— Une autre fois, peut-être, dit le don Juan, éludant le sujet. Puisque vous semblez revenu à vous-même, monsieur Molière, j’aimerais faire de nouveau appel à vos services. La destinataire est la même. Fortunio reprendra son luth… Après le poème, je veux une lettre. Faites-vous crédit ? J’ai tout donné. Mais quand on donne sans réserve, on reçoit à profusion. Demain, je vous paierai. »
Chapitre dix
D’Artagnan au supplice, Amadéor de retour
Comme l’annonçait d’Artagnan, le récit des conquistadors a bien duré tout un jour. Cette journée terminée, il fallut se séparer. Mais rassurons-nous, le soleil est revenu et d’Artagnan peut reprendre.
Un ami qui vous veut du bien
« Nous retournons donc à la salle de l’auberge du Soleil d’or . Là, un message m’attend.
J’ai à vous parler de toute urgence, seul à seul, venez donc sans escorte, avant la tombée du jour, au deuxième étage de la maison Lambert, rue des Petits-Chevaux. Signé Aramis.
Aramis, explique d’Artagnan, au jeune Louis XIV, est un fidèle compagnon, un frère d’armes, cher à mon cœur. Je ne l’ai pas vu depuis des lustres, mais je peux lui faire confiance. S’il me demande, c’est que l’affaire est d’importance.
Je dois donc partir sur-le-champ.
Hélas, Majesté, ce message va me conduire dans un piège.
Grâce à Dieu, Aramis n’y est pour rien.
Je gagne le point de rendez-vous. Je passe la porte cochère, néanmoins sur mes gardes. Je monte l’escalier. La maison semble vide. Pas un bruit. Ce silence m’inquiète. Je pose la main à l’épée,en poussant la porte du deuxième étage, je vois une silhouette, tournée vers la fenêtre. Ce doit être Aramis. Je franchis donc le seuil, mais au premier pas que je fais dans la pièce, je suis assommé.
Je me réveille prisonnier, immobilisé aux bras d’un trône de fer, dans une sinistre pièce, une salle sans fenêtre. On a dû m’endormir, pour toute la durée du transport, à l’aide d’une drogue. J’ai la tête lourde, je distingue mal les contours.
Des flambeaux brûlent le long des murs.
Ce qu’ils éclairent me glace le sang : haches, poids, cordes, empaleurs, des tenailles, des fers chauffés à blanc, des cages suspendues, hérissées de pointes… une chambre de torture.
Mes pieds et mes mains sont retenus par des étaux d’acier fermés à l’aide d’une grosse cheville.
Au bout d’un instant, la porte s’ouvre.
Un homme fait son entrée.
Il vient vers moi, impassible.
— Pardonnez cette mise en scène un peu théâtrale et cet accueil des plus lugubres, monsieur d’Artagnan.
— Qui êtes-vous ?
— Votre inquisiteur. Oh, cependant, je ne suis chargé que de recevoir vos confessions, une fois qu’on aura su vous attendrir. À chacun sa tâche. Oui, quand je vais sortir, avant de revenir, dans quelques
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