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Don Juan de Tolède, mousquetaire du Roi

Don Juan de Tolède, mousquetaire du Roi

Titel: Don Juan de Tolède, mousquetaire du Roi Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Benoît Abtey
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verser une bonne pinte de sang frais, avant de déchirer au bas de ma chemise un morceau de drap. La blessure est pansée. La manche est rabattue sur mon bras. Il faut cacher l’intervention.
    Quant au sang, versé dans la bassine, le bourreau le répand sur toute ma personne.
    — Maintenant, me dit encore mon mystérieux protecteur, il faut encore chanter. Des airs plaintifs à vous serrer le cœur, allant crescendo.
    Je n’en demande pas davantage et la comédie se poursuit.
    Le fouet claque dans l’air. Je réponds comme convenu, en donnant satisfaction à ceux qui peuvent écouter aux portes. L’opération achevée, le bourreau me regarde. Il n’est pas tout à fait satisfait. Il manque quelque chose. Pour parfaire le tout, il faut encore ajouter une touche de réalisme, signer le tableau.
    — C’est pas de gaieté de cœur, me dit-il, mais ce serait tout de même plus convaincant si je vous arrangeais le portrait, en vous faisant venir le sang à la bouche et les larmes aux yeux.
    Je reçois des gifles, puis une volée de coups de poing assommant, en plein visage d’abord, puis au ventre et sur les côtes.
    — Voilà qui devrait faire illusion…
    Le bourreau me laisse, la tête courbée, la face tuméfiée, il sort et garde la porte ouverte, en disant :
    — Je crois qu’il est prêt.
     
    Et Fargis rentre dans la pièce.
    — Je vous l’ai rhabillé, précise le questionnaire , par respect des convenances.
    Tout ce sang collant à ma peau semble donner satisfaction à Fargis. Cela lui plaît mieux. Son homme a bien œuvré… la bête est lasse, essorée.
    Minute fatidique. Fargis s’approche, me relève la tête. Voilà qui est bien, semble-t-il se dire. Va-t-il en demander davantage ? Va-t-il baisser ma chemise et détailler mes sévices ? Va-t-il s’apercevoir que les apparences sont trompeuses, qu’on s’est joué de lui ? Va-t-il faire saisir cet incapable, et le torturer lui-même, en lui infligeant tout ce qu’il aurait dû me faire subir ? Allons-nous partager un même sort ?
    Mais non. Par chance, Fargis se contente de cette peinture d’ensemble.
    Il prend une chaise et procède à l’interrogatoire.
    Je me tais, je n’ai plus rien à dire. J’ignore ce qu’il veut savoir… Soit. Fargis se relève, et il conclut en quittant la scène et en lâchant à son ouvrier une bourse bien méritée :
    — Nous voilà rassurés. Bourreau, fais ton travail et débarrasse-nous de son cadavre.
    Qui se cache derrière le masque rouge
    Ce bourreau, mon sauveur, ne se découvre pas encore.
    Il me détache de ma chaise et me prend entre ses bras. Ses bras remontent vers ma gorge. Va-t-il m’étrangler ? Cela y ressemble fort. On en jurerait. J’essaye de me débattre, mais l’homme m’oblige à n’en rien faire.
     
    — Laissez-vous aller, c’est l’affaire une minute, vous n’allez rien sentir. Surtout ne résistez pas.
     
    Le souffle me manque, je perds mes esprits.
     
    Je suis réveillé par un sceau d’eau lancé en plein visage.
    Je me relève péniblement. La chair me cuit. Je dois avoir une ou deux côtes fêlées. Je suis à bord d’une charrette, en pleine nature. Je vois difficilement, mes yeux sont pochés. Je distingue enfin une silhouette brouillée, puis un visage, encore indistinct. Je ne parviens pas à l’identifier.
    L’homme, qui a retrouvé la tenue d’un civil, se passe la main sur le menton et me précise :
    — Depuis l’autre fois, j’ai rasé la barbe. Vous pouvez sortir, me dit-il en me tendant la main, nous pouvons causer.
    Je me redresse pour de bon, et je m’appuie sur le bord de la charrette, car la tête me tourne.
    — Nous sommes quittes, d’Artagnan. C’est bien votre nom ? Je l’ai entendu dans la bouche d’un de vos compagnons, ce soir-là, c’est ainsi qu’il vous appelait. J’ai la mémoire des noms… Entre autres qualités.
    Voyant que cela ne m’avance guère, il poursuit :
    — Il y a deux nuits, le soir du Cid à l’hôtel de Bourgogne, l’escarmouche sur la petite place… Vous avez bien fait de me laisser la vie sauve, quand vous pouviez appuyer la botte. Comme disait ma sainte mère – paix à ses cendres –, un bienfait n’est jamais perdu.
    — Belles-Manières ! dis-je en comprenant enfin.
    — Oui, Pierre Mathieu, dit La Mort, dit Belles-Manières. Le survivant. Depuis que le chapelet s’est dévidé, que mes hommes ont baisé la camarde, je fais route en solitaire et sans rancune, voyez-le.
     
    « Oui, cet homme,

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