Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Don Juan de Tolède, mousquetaire du Roi

Don Juan de Tolède, mousquetaire du Roi

Titel: Don Juan de Tolède, mousquetaire du Roi Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Benoît Abtey
Vom Netzwerk:
faut impressionner, faire trembler, affaiblir avant de frapper. Tous ces fouets, ces brodequins, toutes ces flammes, ces charbons ardents vous laissent pressentir ce qui vous attend. Plutôt que de montrer son visage, celui d’un homme, donc d’un être capable d’humanité, mon tourmenteur arrive en tenue d’ouvrage : rouge de la base au sommet, et la tête couverte d’une cagoule.
    Pourtant ces yeux qui devraient rester inexpressifs et se garder de refléter la lumière de l’âme, s’ouvrent grandement en me voyant. Et la main qui prit un tisonnier repose aussitôt la barre rougie dans son lit de braises.
    Le bourreau regarde de tous côtés ce qu’il a à sa disposition. Il voit une bassine remplie d’eau, un entonnoir.
    Il les approche de ma chaise.
    Il se penche vers moi, et me murmure à l’oreille – alors qu’il ne devrait pas me faire entendre le son de sa voix – ces quelques mots, ma foi des plus rassurants :
    — Suivez mes consignes et tout ira bien. Je vous sortirai de là. Mais il va falloir jouer le jeu. Entendez-vous ?
    Je réponds oui de la tête, sans comprendre pour autant. J’espère que l’individu – un sympathisant, manifestement – va tomber le masque, mais il n’en est rien.
    En me désignant ces prises qui retiennent mes mains dans leur étau, il me murmure à nouveau :
    — On va faire comme si j’allais tourner l’écrou… vous étirer les membres. Il faut que vous fassiez entendre votre voix : on doit écouter de l’autre côté. Vous devez d’abord gémir, puis commencer à ouvrir la bouche, à desserrer les dents, comme si je vous arrachais un cri, ensuite il faudra hurler pour de bon, montrer que vous ne pouvez plus retenir la douleur.
    Je fais ce que l’homme exige.
    L’opération dure quelques minutes.
    Après quoi, le bourreau me désigne la bassine et l’entonnoir.
    — Faites comme si je vous forçais à boire jusqu’à vous faire éclater la sous-ventrière.
    L’homme approche l’entonnoir, mais au lieu de verser l’eau dans la bouche, il la laisse tomber à côté.
    — Allez-y, me dit-il.
    Une fois la séance achevée, il me dit encore :
    — Maintenant que vous êtes trempé, montrez-moi comme vous avez souffert, il faut que vous paraissiez à bout.
    En effet, la porte s’ouvre.
    Fargis vient voir où j’en suis.
    — Ma parole, vous l’avez noyé ! dit-il en pataugeant dans ces flaques d’eau qui entourent la chaise.
    Le bourreau s’explique :
    — Les petits exercices d’étirement – ces échauffements – que je lui ai fait faire, lui ont donné soif… il manque d’entraînement. Il est plein comme une outre. Pourrait pas mettre un pied devant l’autre.
    — Il a en effet fort mauvaise mine. Monsieur d’Artagnan, votre superbe est tombée dans le ruisseau.
    Fargis fait signe au bourreau de se retirer.
    — Alors, monsieur l’agent, dites-moi donc ce que vos enquêtes vous ont appris.
    — Ce que je sais, dis-je d’une vois titubante, je peux bien vous le dire, je ne vous apprendrais rien.
    — Je vous écoute.
    — Nous savons juste qu’une Cabale entend supprimer Son Éminence. C’est l’Italienne qui l’a appris à monsieur de Mazarin.
    — Mais que faisiez-vous là ? Dans cette rue, ce jour-là ? Je ne crois pas aux hasards, d’où veniez-vous ?
    — Son Éminence m’avait choisi pour veiller à sa protection. Je devais l’attendre dehors et ne pas la suivre de trop près pour ne pas éveiller les soupçons. Voilà pourquoi j’ai pu empêcher le meurtre. Je ne sais rien de plus. J’ignore ce que vous préparez…
    — Je ne vous crois pas. Vous parlerez. Et s’il le faut, je viendrai moi-même vous faire danser une cosaque en vous arrachant les ongles.
    Fargis s’en va et rappelle son tourmenteur.
    Il faut qu’il reprenne les choses en main, et cette fois qu’il n’hésite plus à me faire tourner de l’œil.
    La mascarade s’achève dans le sang répandu
    Si le bourreau semble être de mon côté, reprend d’Artagnan d’un ton qui laisse présager le pire, je crains qu’il ne puisse s’empêcher d’apporter les preuves de son efficacité. Cette fois, je vais devoir hurler tout de bon.
    Il entre, la porte se referme.
    Il s’approche.
    Il va à sa table de travail.
    Il en revient avec une bassine qu’il pose sur mes cuisses.
    Il relève l’une de mes manches.
    Il sort un stylet.
    — Cette saignée, me dit-il, va vous sauver la vie.
    Il faut agir vite. L’incision est accomplie. Le bourreau me laisse

Weitere Kostenlose Bücher