Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Don Juan de Tolède, mousquetaire du Roi

Don Juan de Tolède, mousquetaire du Roi

Titel: Don Juan de Tolède, mousquetaire du Roi Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Benoît Abtey
Vom Netzwerk:
buffet. Ce ne sont ni la soif ni l’appétit qui m’y entraînent, mais la présence d’Adélaïde de Gaillusac qui s’en approche pour rencontrer un gentilhomme mal à son aise dans ce tombeau de la franchise… notre très noble et très loyal Edmond de Villefranche.
    Espionne… et plus si affinités
    La jeune épouse jette des regards en tous coins, avec discrétion ; quand elle est certaine d’avoir déjoué la surveillance de son sinistre époux, elle peut enfin entraîner le gentilhomme à la suivre. En se faufilant au milieu des invités, Adélaïde contourne la façade du palais et va s’entretenir à l’abri.
    Je laisse s’enfuir ces deux fugueurs, j’attends quelques instants avant de les rejoindre par un chemin de traverse. Je les vois. Ils sont dans une allée, entre deux statues de pierre, une Diane chasseresse et une Vénus antique. Je peux m’approcher à tâtons et me dissimuler sans peine.
    Quand j’arrive, la conversation a déjà débuté. Adélaïde est émouvante à souhait. On ne sait si elle feint, si elle ruse ou si elle jette le masque. D’ailleurs, Edmond est sur le point de fléchir, de se prendre au jeu.
    — Que croyez-vous ? dit-elle, que je puisse être heureuse dans les bras de ce parvenu ? On ne m’a pas laissé le choix. Mes parents sont de bonne souche, mais le navire prend l’eau. Si sa triste mine vous déplaît, mon enfant, me dit mon père en signant ma condamnation d’une main et en empochant de l’autre le prix de la vente, patientez deux années, fermez alors la porte de votre chambre et prenez un amant. J’ai été rançonnée, tout simplement, à un riche acquéreur ne demandant qu’à redorer notre blason en échange de mon corps, de ma vie, de mon silence ! Si je vis entourée de statues, de tableaux, de gravures, dans des pièces parfumées, ma vraie place est d’être en exposition à la fenêtre du carrosse. Je suis la perle de cet équipage à six chevaux, miroir ambulant reflétant en tous lieux la splendeur et l’importance de cet homme qui en est le maître. Et quel homme ! Un rapace insatiable, de froide nature, n’ayant goût qu’aux intrigues et aux filles légères. Qu’on ne s’y méprenne pas, sous la carapace du pudibond, se cache un satyre. Le jour, il me délaisse et le soir, il m’abandonne pour me rejoindre au matin,et empuantir les draps du parfum de ses débauches. Oui, j’ai d’abord voulu vous faire tuer, c’est vrai. J’avais peur. Vous êtes fort, combatif, indomptable… Tout en vous admirant si résolu à battre en ruine mon mari, je me voyais jouée une seconde fois, veuve d’un époux humilié, défait, dépouillé, sujet d’opprobre, autant dire flétrie, repoussée comme une vérolée, contrainte de me prostituer à d’autres voleurs, plus vieux, plus riches encore, et moins regardants sur la qualité du passé douteux de cette beauté dégradée. Après vous avoir tout pris, l’argent devient votre seule arme : votre cage est une citadelle à flanc de rocher, perchée au-dessus du vide, termine Adélaïde en fondant en sanglots.
    Edmond faiblit, je le sens, je l’entends, dans les premiers mots qu’il adresse. Il est divisé. Mais il finit par se reprendre. Il porte son estocade.
    — M’aimez-vous ? M’aimez-vous vraiment ? demande-t-il en tendant son mouchoir à la belle et douloureuse figure qui lui fait face.
    — Je le découvre à mes dépens, répond son interlocutrice. Car j’eusse mieux aimé me montrer indifférente après m’être abandonnée si promptement.
    — Dans ce cas, poursuit Edmond, je puis peut-être vous sauver. Mais il faudra prendre des risques. Votre mari conspire.
    — Hélas, je ne l’ignore point. Je sais des choses qui m’étouffent et m’oppressent. J’aimerais m’en délivrer à un être de confiance.
    — Vraiment ? Parlez !
    — Que feriez-vous pour moi, si je décidais… de trahir mon époux ?
    — À quoi songez-vous ?
    L’éplorée retrouve son sang-froid, elle porte le mouchoir à ses yeux, mais garde le stylet à porté de main.
    — Il pourrait… disparaître. Nous laisser libres.
    — Peut-être, oui, répond Edmond d’une voix mal assurée.
    — Un peut-être est bien incertain.
    Le pauvre chevalier de Villefranche doit bien prendre sur lui pour oser aller au bout de sa démarche, cimenter l’alliance.
    — Vous me plaisez, Adélaïde. Et je suis prêt…
    — Oui ?
    — À oublier vos crimes.
    — Mais encore ?
    — À vous offrir mon cœur.
    — Et

Weitere Kostenlose Bücher