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Don Juan de Tolède, mousquetaire du Roi

Don Juan de Tolède, mousquetaire du Roi

Titel: Don Juan de Tolède, mousquetaire du Roi Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Benoît Abtey
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fut blanche.
    À chacun ses tourments. Edmond a quelque chose du Cid , à son tour. Le voici prisonnier de son devoir. Pour laver son nom, la mémoire de son frère, il doit tuer le père de son protégé. Il porte un habit sombre, des gants noirs, le deuil du disparu. Mais ce spectre ne va pas traverser les murs, gémir en passant, et disparaître dans l’ombre. Edmond attend son ennemi de pied ferme, immobile, stoïque, la main couchée sur le pommeau de l’épée.
    Dans ce silence du demi-jour, on entend des bruits de pas, la marche d’un homme descendant l’escalier. Edmond de Villefranche s’écarte de la porte près de laquelle il tenait le guet. Il se tourne et lui fait face.
    La porte s’ouvre, don Juan de Tolède paraît. Magnifique. Dans un habit rouge.
    On ne pourrait former couple plus contrasté.
    Le lépreux de Paris
    — Le bonjour, monsieur de Villefranche, dit Amadéor en restant devant le seuil. Vous êtes bien matinal.
    — Monsieur, répond Edmond, raide comme la justice, mettons les choses au clair, le nom de Tancrède de Gaillusac vous dit-il quelque chose ?
    Don Juan de Tolède répond sans détour, et sans laisser paraître d’émotion.
    — Oui. C’était un cadet de monsieur de Tréville que j’ai tué un soir de printemps.
    — Eh bien, ce cadet était mon frère, nous avions le même père. Je n’étais qu’un enfant quand il est mort. Je l’ai suffisamment connu pour honorer sa mémoire, je suis désormais en mesure de défier son assassin.
    L’aventurier fixe son interlocuteur du regard et répond calmement :
    — Cher monsieur de Villefranche, vous qui portez si avantageusement ce beau nom, vous prenez l’ombre pour le corps. Oui, j’ai forcé la main de votre frère, qui, en parfait gentilhomme de noble lignée, refusa de prime abord de lever contre un représentant de la plèbe sa rapière, cette arme princière qui ne saurait être placée entre des mains roturières ! Pour se battre en duel, il faut être de conditions jumelles, de vaillante race ! Oui, j’ai intrigué pour pousser ce malheureux dans ses derniers retranchements, et pour obtenir satisfaction, à la fin de l’échange, il fallut certes coudre la peau du renard à celle du lion ! Mais à l’heure de la rencontre, nous étions, votre frère et moi, à bonnes distances, face à face, les yeux dans les yeux. Ne vous en déplaise, monsieur, et que cela n’enlève rien à votre colère mais vous rende la lumière : j’ai vaincu dans les règles de l’art.
    Edmond hésite. Si cela pouvait être possible, il pâlirait davantage.
    — Pourtant une femme fut témoin… car vous n’étiez pas seul. Elle a tout vu, elle m’a tout raconté.
    — Et moi aussi j’ai tout entendu. Parlons français. Hier au soir, un vieil abbé se tenait non loin de vous, vous ne lui prêtiez guère attention, de plus il semblait sourd. Eh bien, ce vieillard, c’était moi.
    — Décidément ! s’exclame Edmond en reprenant de la hauteur. Vous lisez dans mes pensées, vous voyez tout, vous entendez tout, êtes-vous le diable, monsieur ?
    — Je me suis peut-être égaré en chemin, et dans ma chute, j’ai parfois vendu mon âme au prix du sang, mais pour le reste, soyez sans crainte, nous allons nous battre comme il vous plaît : d’homme à homme.
    Ce disant, don Juan tire le fer. Edmond fait de même. Je me garde encore d’intervenir et je me retrouve dans la même position qu’autrefois, dans la coulisse.
    À l’instant où les épées se croisent, un mendiant apparaît.
    — La charité, mes bons seigneurs, la charité…
    — Passe ton chemin, lui dit Edmond. Tu viens déranger une affaire d’honneur.
    — Ah, les duels… je connais, ils m’ont bien coûté, dit l’homme qui tousse affreusement. On ne peut voir son visage, pour le reste ce gueux est d’une sordide apparence. À côté de ses oripeaux, de ses loques immondes, mon accoutrement de traîne-misère ferait figure de tenue d’apparat. Il est voûté comme un bossu, sa voix est déchirante.
    — Qui es-tu ? demande don Juan de Tolède.
    — Un homme déchu, un misérable, une plaie ouverte, répond l’interpellé. Ne vous laissez pas abuser par ces vilains draps, j’étais riche autrefois, adulé, insouciant. Je me suis beaucoup battu : par bravade, pour le nom, par goût de la victoire. Mon meilleur ami, mon second, mon témoin, mon frère perdit la vie dans une échauffourée. Pour retrouver son adversaire qui avait fui lâchement, oubliant le

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