Don Juan de Tolède, mousquetaire du Roi

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    Oui, c’est l’effondrement. Mais quand tout est perdu, plus rien n’est impossible.
    Desdémone s’est levée, on vient lui apporter un paquet.
    Hercule en profite pour murmurer à l’oreille de son ami :
    — Garde le secret, mais d’Artagnan est sain et sauf. Je l’ai vu !
    Mais ce n’est pas tout.
    — Ne me posez pas de questions, Molière, dit Desdémone en revenant. Faites-moi juste confiance. C’est bien Dieu qui vous a envoyé chez moi. Or Dieu peut tout. Demain, au matin, je puis vous l’affirmer, ces prisonniers seront relâchés. Je les attends avec impatience, et je les logerai sous mon toit. Ils seront ainsi en mesure de débuter, dès demain, les premiers essais, puis les premières répétitions.
    — Vraiment ? s’exclament d’une seule voix Molière et Hercule, qui n’en reviennent pas.
    — Hommes de peu de foi, dit Desdémone en souriant.
    Puis, en posant le paquet sur la table, elle dit encore, en désignant l’enveloppe :
    — Voyez que je ne suis pas la seule à pouvoir réaliser des prodiges.
    — Qu’est-ce ? demande Hercule, en regardant le paquet.
    — Ouvrez, lui répond Desdémone.
     
    Pouvait-on trouver meilleure conclusion ? Molière doit en effet convenir que de grandes forces sont à l’œuvre sous le ciel de Paris. Il se joue là quelque chose qui le dépasse.
     
    Oui, ami lecteur, ce paquet contient un manuscrit.
    Et ce manuscrit, on l’aura deviné, est un manuscrit original, tout juste achevé.

Mission accomplie
    Au même instant, quelques rues plus loin, dans son modeste logis, face à la chandelle illuminant sa face paisible, belle et radieuse comme un visage de prophète ornant le fronton d’une cathédrale, François de Lyon essuie sa plume, chargée d’une encre qui n’a pas encore eu le temps de sécher.
    Une page vient de se tourner, une nouvelle œuvre est signée. Oui, les mots sont venus comme par enchantement, comme s’ilfallait se hâter, comme si le temps était compté. François de Lyon peut vider son verre de vin, à courtes lampées. Cela fait, il saisit sa pipe. Il l’allume. Un nouveau nuage monte et se déforme, passe par la fenêtre, s’enfuit à travers ciel.
    François de Lyon a accompli sa tâche, son devoir.
    Tout est bien.
    Maintenant, il ne lui reste plus qu’une chose à faire avant de quitter Paris.

Chapitre quatre

Chez Lanteaume
    Château de Saint-Germain, quelques jours plus tard

Il revient
    La reine mère et régente du royaume Anne d’Autriche est inquiète. Depuis deux jours déjà son fils dépérit à vue d’œil. Il mange peu, il veille tard, ne pouvant trouver le sommeil. Il est triste. Il s’ennuie. Un seul ouvrage est parvenu à retenir son attention distraite, et à lui apporter du réconfort : Le Cid de monsieur Corneille. Louis XIV l’a relu trois fois.
    Le matin se lève, mais Sa Majesté ne veut pas sortir de son lit.
    Est-il souffrant ?
    Anne d’Autriche passe sa main sur le front de son fils. Non. Il est un peu chaud, mais il n’est pas brûlant. Il n’a pas de fièvre.
    Des maîtres médecins logent depuis quelques jours au château de Saint-Germain. C’est l’hiver, certains courtisans ont attrapé froid. Il a fallu prescrire quelques traitements et l’on jugea plus prudent de les garder à disposition. La régente les fait venir. Ils entrent, saluent Ses Majestés la reine et le prince, puis s’avancent avec respect vers le petit lit.
    Mazarin s’était montré doublement prudent. Hors de question de laisser entrer un espion déguisé ou un marchand de mort subite. Il fit donc appel à ses propres docteurs. Ceux-ci examinent le roi et donnent sans détour leur diagnostic :
    — Sa Majesté se porte bien. Il serait souhaitable de lui faire prendre l’air, de l’occuper à des exercices vivifiants. L’esprit marche de pair avec le corps. Il suffit souvent d’entraîner l’un pour réveiller l’autre.
    Mais Louis XIV n’a pas envie de sortir, de son lit, de sa chambre, de sa prison. Il montre de la mauvaise volonté. Grondé avec fermeté, il finit tout de même par se redresser, mettre un pied à terre. Il consent à se laisser vêtir. Une fois habillé, l’enfant s’approche de sa fenêtre. Ce n’est pas un jour de soleil. La brume mure l’horizon, une pluie froide hésite à tomber du ciel. Joli temps pour une promenade aux jardins ! Mais soudain le visage du jeune monarque se transforme. Le sourire revient aux lèvres, les joues rosissent, ce brouillard qui