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Don Juan de Tolède, mousquetaire du Roi

Don Juan de Tolède, mousquetaire du Roi

Titel: Don Juan de Tolède, mousquetaire du Roi Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Benoît Abtey
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donné quelques représentations, l’Illustre-Théâtre est ma compagnie. Nous nous promenons dans Paris, improvisations, imitations, parodies, nous avons déjà un registre bien étoffé et un public des plus fidèles !
    — Molière… navré, le nom ne me dit rien.
    Le soldat s’apprête à repartir, mais Molière hausse la voix pour rappeler son interlocuteur :
    — Remarquez qu’il est tout neuf, je ne l’avais pas encore la semaine dernière. Jean-Baptiste Poquelin…
    Le soldat s’arrête.
    — Poquelin… Poquelin, Poquelin, Poquelin… Attendez… c’est cela ! Le tapissier !
    Le tapissier…
    — Je suis son fils, dit Molière en soupirant.
    Le soldat reste alors aux côtés de Molière tandis que le cortège poursuit sa route.
    — Nous y sommes ! C’est là que je vous ai vu : dans son échoppe ! Drôle de théâtre pour un comédien.
    — Voilà pourquoi j’en suis sorti.
    — Un homme bien, le père Poquelin, bon artisan. Grand travailleur. Il ira loin.
    — Ah, monsieur, comprenez la méprise dont je suis victime.
    — Oui, je m’étonne en effet qu’un jeune homme de votre qualité soit tombé si bas.
    — Justice, monsieur, justice ! Quel crime ai-je commis ? De quoi m’accuse-t-on ?
    — Vous, je ne sais pas. Vous étiez là, vous voilà pris. Mais les autres… Commerce de chair humaine, enlèvement d’enfant, voyez où vous avez mis les pieds. Songez que deux de nos hommes ont péri dans l’échauffourée ! Ces gens-là sont capables de tout !
    — Parbleu, il est en effet grand temps de me tirer de ce guêpier. Me voyez-vous tremper dans ces diableries ? Moi, le fils honnête de ce bon bourgeois de Paris qu’est le père Poquelin ! Allons, soyons sérieux !
    — Mais alors, que faisiez-vous là-bas, avec eux ?
    — C’est tout simple, attiré par la musique, je suis descendu, on m’a servi à boire, je suis resté.
    — Cela vous apprendra à vous mêler à la canaille ! Ah, si ce n’est pas malheureux, cette jeunesse !
    — Allons ! Je devrais aller gîter à la Bastille, laisser mon père au désespoir, tout cela pour un tambour et quelques gorgées de vin ! Vous ne pouvez laisser faire ! Libérez un innocent, monsieur ! Il en est de votre devoir !
    — Votre père a du bien. Il paiera votre caution. Il vous fera sortir de là.
    — Ah, monsieur, dit Molière en s’approchant du garde, si c’est une question de taxe, je consens à la verser sur-le-champ. J’aimerais mieux vous la donner à vous qu’à quelque inconnu qui n’aurait pas le respect que vous avez pour monsieur mon père, et l’amour du travail bien fait.
    L’archer tourne la tête, vérifie que la tractation en cours est restée confidentielle. Rassuré, il peut conclure :
    — C’est bien parlé. Combien avez-vous ?
    — Voyez plutôt, dit Molière en indiquant sa bourse. Elle est à moitié pleine, mais elle est encore bien lourde.
    — Bon. Je vais voir ce que je peux faire, dit le vigile en empochant la somme.
    De déboires en désillusions… la vie continue
    « Je tombe sur des comédiens, une compagnie entière ! Des remplaçants taillés sur mesure, et tout part en quenouille ! L’enferrement ! La Bastille ! Et qui sait ce qu’il adviendra d’eux ensuite ! Je ne peux rester sans rien faire ! »
    Molière est libre, mais il n’est plus tranquille. Il a payé sa sortie, il respire, mais les autres baissent la tête, traînent les pieds, les bracelets aux chevilles. L’argent est un luxe et le luxe fait toute la différence entre les hommes.
    Sa mauvaise conscience revient l’assaillir. « J’aurais dû mépriser les menaces de cet homme, de ce maudit Janisse de La Ravoie ! Il veut se mettre en travers de ma route, pourtant il n’a pas pu empêcher Hercule d’obtenir un nouveau triomphe chez Gaillusac ! Après tout, si les comédiens de l’Illustre-Théâtre et moi-même faisons corps, ils me suivront où que j’aille, nous nous épaulerons, nous mangerons le même pain, blanc, vert ou noir ! Oui, nous boirons au même calice, jusqu’à la lie !
    C’est un signe du destin ! Je dois assumer ma place, tenir ! »
    Mais ces sursauts sont des feux de paille. Ils s’éteignent aussi vite qu’ils se sont embrasés.
    Molière repense à Madeleine, à Hercule, puis à cette bohémienne qui a lu dans ses lignes et qui ne demandait qu’à prendre sa main. Aurait-il montré beaucoup de résistance ? Rien n’est moins sûr. Il ne demandait qu’à succomber, qu’à tenter la belle aventure… ne

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