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Don Juan de Tolède, mousquetaire du Roi

Don Juan de Tolède, mousquetaire du Roi

Titel: Don Juan de Tolède, mousquetaire du Roi Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Benoît Abtey
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à l’enfoncer dans votre poitrine, vite et bien. Mais, je vous le disais, nombre de gens, et parmi eux des amis, comptent sur vous, je ne veux pas les décevoir. Je peux vous offrir une mort qui restera dans les mémoires.
    Meurs, mais quitte au moins la vie avec éclat.
    L’assassin s’approche, il passe sa main sur le cou de Desdémone qui ne résiste pas.
    Il demande :
    — Acceptez-vous la sentence ? Êtes-vous prête à partir ? Répondez.
    Desdémone repousse délicatement la main qui commence à l’opprimer.
    Elle se retourne, voit son propre visage dans le miroir. Elle est encore si belle.
    — Maintenant… ce soir ?
    — Allons, réfléchissez. Vous pourriez vous débattre, me dénoncer, je serais écarté ou tué, mais si je ne reviens pas, un autre prendra ma place. Le Conseil des Dix est fermement décidé, et il ne manque pas de serviteurs. Soit, remettons cela à plus tard, retardons l’échéance. Comment imaginez-vous mourir ? Lardée de coups comme une bête à la curée, couchée agonisante dans le caniveau, mangée par les porcs ? Ou bien un jour froid et brumeux, dans votre lit, au réveil, de la main même de votre nouvel amant ? Ce sera ceci ou cela : dans la boue ou l’indifférence, le massacre ou la traîtrise. Tout à l’opposé, je vous offre le salut, le rachat par la beauté de l’art, au lieu des crachats, des pierres, des dagues, des chiens et de l’insulte, le silence, l’émotion à son comble, la mort dans les bras de votre amant, et croyez-moi, cœur de pierre ou masque de fer, chacun versera sa larme.
— Je t’écoute.
    L’assassin s’écarte d’un pas. Il se redresse, fixe son interlocutrice à travers le miroir.
    — Acte III, à la fin de la dernière scène, vous allez boire un poison – c’est écrit dans le texte. Seulement, ce poison n’aura pas seulement l’air d’en être un, il ne mentira pas.
    L’assassin sort une fiole et la pose devant l’Italienne.
    — Le voici. Il est précis, exact, une horloge. Deux actes plus loin, c’est la fin, les adieux, avant la chute. Vous tomberez, ils applaudiront, et vous rejoindrez l’autre rive escortée par les ovations, faute d’être portée aux nues par des milliers d’anges descendus jusqu’à vous. Est-ce oui ?
    Une larme roule sur la joue de Desdémone et s’écrase sur sa main.
    — Tu dis vrai, jeune Fortunio, on ne peut rêver plus noble départ.
    — Ai-je votre parole ?
    — Comment se prénommait ton frère ?
    — Qu’importe… Armando, Raphaël, Gonzague, Bernardo, Luigi, Giorgio… c’était l’un d’eux. Le plus drôle, savez-vous, c’est que c’est moi qui suis d’abord tombé éperdument amoureux de vous. De votre image. Vous ne me connaissiez pas, vous ne pouviez prêter attention à ce jeune observateur en adoration, suivant vos déplacements, de loin. Je n’avais pas peur de ce que l’on disait à votre sujet, je me moquais d’aller flotter inerte dans les eaux du Tibre, je rêvais seulement de m’endormir à vos côtés et de me réveiller dans vos bras. J’avais l’insouciance de l’innocence, mais il me manquait le courage de me faire reconnaître, de prendre le risque d’essuyer un échec, de connaître la honte, d’être humilié. Mon frère m’a surpris, amant transi au pied de votre demeure et quand il vous a vue, à son tour, plus fort, plus brave, lui, il n’a pas attendu, il s’est porté à votre rencontre, il est venu vous séduire, vous faire succomber. À lui non plus personne ne résistait. Je répète, ai-je votre parole ?
— Oui. Seras-tu dans la salle ?
    Mais Fortunio ne répond pas, il se contente d’insister et de laisser Corneille parler pour lui, avant de quitter la pièce : Meurs, tu ferais pour vivre un lâche et vain effort
    Si tant de gens de cœur font des vœux pour ta mort,
    Et si tout ce que Rome a d’illustre jeunesse
    Pour te faire périr tour à tour s’intéresse

Seule
    Oui , se dit Desdémone, il y aurait bien moyen de les tromper tous, encore une fois, de disparaître, non dans le noir de la tombe, mais vers d’autres continents. Il suffirait de changer le venin, comme le suggéra pertinemment Fortunio, par un produit de ma fabrication . Il faudrait mettre dans la confidence un agent, lui promettre de fortes récompenses pour son aide, et qu’il vienne dans la nuit, en toute discrétion, la sortir de son sommeil. Elle pourrait même avertir Hercule, lui confier la vérité et la responsabilité de son évasion.
    Hélas,

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