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Don Juan de Tolède, mousquetaire du Roi

Don Juan de Tolède, mousquetaire du Roi

Titel: Don Juan de Tolède, mousquetaire du Roi Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Benoît Abtey
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Une vingtaine de coupe-jarrets, au bas mot.
    — Leur capitaine s’avance, continue don Juan de Tolède. Il nous observe fixement, mais mon regard se dérobe lâchement, attiré aux arrières par celui d’une jeune frondeuse. Pourpoint, feutre, cape et plumes noires, cheveux sombres… sa tenue d’homme, toutes ces lames qui l’entourent et la protègent, ne la rendent que plus femme. Je suis conquis. Mais l’approche semble compromise…
    — Elle est en vérité remise à plus tard, dit Fortunio.
    — Le chef de meute vient donc nous saluer, reprend l’aventurier. Il se présente sans précaution. D’ailleurs, il se tient à visage découvert. En toute franchise… Un dénommé Hyppolite de Lanteaume. »

Bienvenu qui apporte
    — Le brigand de la Cabale ! s’exclame le roi
    — Lui-même, Sire. Cependant, pour l’heure, ce brigand n’appartient à personne. Il n’est pas informé du plan des Importants , de l’action qu’il pourrait mener en leurs noms.
     
    « Ma surprise ne passe pas inaperçue…
    — Eh bien, monsieur d’Artagnan, me dit l’aventurier en observant ma stupeur, auriez-vous vu un fantôme ? Vous connaissez cet homme ?
    — C’est une célébrité, dis-je en revenant à moi. Vous êtes tombé sur un symbole : celui de la rébellion contre l’ordre établi.
    — J’en suis honoré ! répond l’aventurier en vidant sa coupe.
    Le don Juan commande une autre bouteille et poursuit son récit :
    — Ce brigand aux grands airs et au profil aquilin, Lanteaume donc, se découvre, décidément plein de respect pour les convenances. Nous attendions également ce carrosse , me dit-il, ce carrosse que vous avez si brillamment intercepté en nous prenant de court. Rien ne lui a échappé, il devait avoir des yeux et des oreilles aux quatre coins du périmètre. Nous allions sortir des bois, croiser votre route, afin de nous présenter, de faire connaissance, mais vous étiez déjà repartis en chasse… au-devant du bourreau en escorte, ces braconniers piétinant mes parterres ! Oui, on se croit chez soi ! On lève des piloris et l’on cultive de la mumie de gibet là où je fais vivre mes hommes ! C’est bien. En protégeant mes terres, vous vous êtes trouvés un bon maître ! Soyez des nôtres !
    — Voici ce que rétorque don Juan, dit Fortunio : Navré, je ne peux répondre à aucun ordre, ni rejoindre aucune association, je piste seul, à l’aide de mon faire-valoir, une chimère insaisissable : l’amour . Après quoi, ne doutant de rien, il pose son regard sur cette jeune frondeuse et ose encore les paroles suivantes : Après tant de courses, de ville en ville, de pays en pays, chevalier insatisfait, toucherais-je enfin à mon but ? Le rêve devient chair, fer et sang… Cette révélation est plus belle et plus troublante que cette image fuyante que je poursuivais .
    — Hippolyte de Lanteaume, reprend l’aventurier, rit bien haut, refusant de me prendre au sérieux.
    — Il en était sans doute mieux ainsi. Mais s’il reste bonhomme, un autre montre les dents, me dit Fortunio en faisant la grimace.
    — Un rival, c’est entendu, suppose don Juan de Tolède.
    — Ce second couteau, continue Fortunio, se poste à la droite du maître. Il nous inspecte froidement. Son expression de dégoût en dit long, ses traits sont figés, ses yeux restent ouverts, comme ceux des morts et des statues… Son âme est sur sa face.
    — Tu juges trop vite, Fortunio, lui dit son compagnon, en esquissant un sourire. Ce n’est pas sa tête ni la noirceur de son cœur qui t’ont effrayé, mais ce bras pendant, amputé de son extrémité.
    — Il semblerait d’ailleurs, ajoute le troubadour, que cette singularité lui ait valu son surnom : Main-gauche , ainsi Lanteaume a-t-il présenté son féal.
    Fortunio se tourne vers son complice, en poursuivant :
    — … Et pendant tout ce temps, ce Main-gauche restait droit dans ses bottes, la main crispée sur la garde d’un poignard sans vous lâcher des yeux. Il était persuadé de vous connaître. Vous deviez lui rappeler quelqu’un : une vieille connaissance, un mauvais souvenir…
    Don Juan de Tolède vide son verre et se ressert à boire avant de répondre :
    — Sans doute.
    Fortunio revient vers moi et reprend la conversation :
    — Toutes ces questions demeurant sans réponse, Lanteaume s’interpose : il faut briser là. Le maraud est donc prié de regagner sa place.
    — Mais revenons à notre récit, dit le don Juan en remplissant mon verre.

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