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Don Juan de Tolède, mousquetaire du Roi

Don Juan de Tolède, mousquetaire du Roi

Titel: Don Juan de Tolède, mousquetaire du Roi Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Benoît Abtey
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le meilleur escrimeur qu’on puisse trouver. Il est chaste comme un moine, ne boit qu’à petites lampées. Il fait encore assez pitoyablement la cuisine… Pour un Italien, c’est un comble… Mais je dois lui reconnaître un certain talent de maître conteur. Son luth est une harpe.
    Là encore, je questionne :
    — Et quels gestes mettez-vous en musique ?
    Le beau cavalier me répond :
    — Des hymnes à la liberté. Des romances licencieuses où la morale est prise en défaut ; des pastourelles avec des maris trompés et de filles bien nées troquant leur vertu contre des serments d’amour, des fugues où les aventuriers se soustraient par miracle à la corde des potences que le dieu de la Fatalité tressa pour eux.
    — Toujours la même guitare ! s’écrie Fortunio, c’est le refrain de la ballade ! Depuis notre départ de Rome, sa maudite potence ne cesse de nous faire de l’ombre !
    — Détrompe-toi, Fortunio, je ne songe qu’à vivre et de la meilleure façon qui soit : dangereusement. Du reste, le sage esttoujours prêt à partir. Quoi qu’il en soit, Fortunio, si le glas devait sonner demain au chant du coq, tu ne resterais pas le cœur lourd et les mains pendantes. Ce n’est pas aujourd’hui que ta plume séchera dans l’encrier.
    Mais le troubadour songe à autre chose, à ce mystère qu’on lui cache :
    — J’attends toujours que vous me confessiez ce grand vide : votre passé. J’en tirerais un bien bel ouvrage, assurément, un manuscrit de mille pages plongeant dans…
    — … Les larmes et le sang, le coupe l’aventurier, d’une voix lasse.
    — … Celles des cœurs brisés, celui des crimes impunis ! s’enthousiasme Fortunio… Ah… s’il me revenait, j’y gagnerais mes lettres de noblesses, une place au Parnasse !
    — Allons, Fortunio, seul le présent nous intéresse et quelle belle journée déjà ! Nous avons ri, pris aux riches, rendu aux pauvres, été joués, nous avons conquis une salle ouverte et la plus critique qui soit : le cœur même de la Ville… Tu l’as, ta fable du jour. Diable, si bien partis, nous irons loin en peu de temps. Paris va répondre à tes prières et te donner l’abondance. Tu vas t’y faire un nom, en signant là ton œuvre maîtresse… Le voici, ton beau recueil, il s’ouvre devant toi et je t’en donne le titre par avance : Le Retour du fils prodigue . Mais l’histoire, que monsieur d’Artagnan s’en fasse un délice.
    — Il me faut du temps et du silence pour la faire rimer, dit Fortunio.
    — Qu’à cela ne tienne, répond l’aventurier. Les faits parlent d’eux-mêmes, livrons-les dans leur plus simple appareil.
    Nous faisons halte.
    L’histoire d’avant explique la mésaventure passée
    Une petite auberge nommée Le Relais des princes nous ouvre sa porte. Un doux fumet d’agneau rôti, échappé des cuisines, s’offrait à la rue. Nous le respirâmes avec bonheur. Les chevaux sont rangés dans la cour. Nous prenons place à une table en plein air.
    Le vin arrive avec les plats fumants.
    Des pigeons blancs volent au-dessus de nos têtes.
    Fortunio savoure son verre avant de prendre la parole.
    — À tout dire, me dit-il, puisqu’on m’y pousse, je dois avouer la vérité. Trahi par votre bonté, vous avez secouru de malhonnêtes gens.
    — Je m’en doutais, dis-je.
    Le don Juan s’explique :
    — Voici le tableau… Notre journée commence dans la gêne. Après quinze années d’absence, je ne me vois pas arriver à Paris démuni, comme un gardien de porcs. Nous quittons un bois pour la plaine. Un carrosse est en approche, sur un grand chemin. Trois gardes… l’affaire est risquée, mais tentante. Empruntant un raccourci, nous prenons quelque avance afin de leur couper la route. Fortunio va devant et je dois surgir par l’arrière, comme sorti de la coulisse.
    — Avant que la voiture se présente, dit Fortunio, placé à l’angle d’un virage, je tire en l’air, brûlant une paire de pistolets. Cela alarme fort l’équipage qui freine des quatre fers.
    — Fortunio se range aussitôt dans les bois avoisinant la route tandis que les riches passagers dépêchent leurs hommes en éclaireurs. La voie est libre. Je surgis par le dos et je me présente, masqué, cela va de soi, mais avec un pistolet chargé dans chaque main. À bord, c’est la panique. On crie, on alerte : la garde revient au galop.
    — Ces messieurs se trouvent pris au dépourvu. Ils doivent, sur-le-champ, déposer les armes à terre,

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