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Don Juan de Tolède, mousquetaire du Roi

Don Juan de Tolède, mousquetaire du Roi

Titel: Don Juan de Tolède, mousquetaire du Roi Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Benoît Abtey
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je me suis mépris à votre sujet. Votre talent, ce soir, a fait ses preuves. Philémon de La Ravoie sait reconnaître ses erreurs. Seulement, Hercule n’est pas disponible. Et pour cause, il est auprès de Desdémone à l’agonie. Soit. Janisse de La Ravoie demande à ce qu’on lui transmette ses propos, qu’on lui fasse part de sa repentance, qu’on lui délivre ses félicitations les plus enjouées. Maintenant, faute de saluer les acteurs, il veut s’incliner devant l’auteur.
    Un comédien de second rôle s’offre de le lui présenter.
    Quelle n’est pas la surprise de monsieur de La Ravoie ! Reconnaissant le visage de ce coupable qu’il va bientôt tuer, sinon de sa main, du moins par le salaire que contient sa poche… Il verdit, perd le souffle, bégaie.
    Face-à-face des plus singuliers.
    Janisse de La Ravoie manque de s’étrangler, ses compliments pris en travers du gosier. Mais j’accueille , monsieur Jaunisse duRenvoie, vos félicitations… Tout homme peut tomber de cheval, brûler ce qu’il a adoré, et adorer ce qu’il a brûlé. Serviteur, monsieur.
    Rappeler l’assassin ?
    Je ne saurais dire si monsieur de La Ravoie y songea.
    Mais voici que l’auteur François de Lyon s’éloigne. Un maraudeur le piste à quelques pas de distance, et ce batteur de pavé, c’est Belles-Manières .
    Un témoin à l’œil averti voit en effet un homme partir, désarmé, et un autre le suivre, grande silhouette inquiétante, tenant l’épée à la main. Ce témoin n’a pas seulement l’œil, il a aussi la mémoire des visages, et il est fort bien informé. Il sait que le premier est l’auteur des Conquistadors porté au pinacle et que l’autre, désormais identifiable, est une crapule capable de tout, du meilleur comme du pire, un tueur de gens se nommant Pierre Mathieu dit La Mort.
    Ce témoin, c’est évidemment Bastoche.
    Bastoche me sait présent, il me cherche, il veut m’avertir, mais en vérité je suis déjà parti et pas encore revenu.
    Bastoche prend donc l’initiative de suivre le mouvement.
    Où va monsieur François de Lyon ? Chercher son cheval tout d’abord, ensuite ses mémoires enfin imprimées. La presse n’est pas loin, à quelques rues de là seulement.
    Il s’y rend au petit pas, il profite de la douceur du soir, de la fraîcheur de l’air. Après tout, c’est son dernier jour à Paris, il n’y reviendra peut-être jamais. Cette marche lente et presque contemplative permet au piéton Belles-Manières de lui emboîter le pas sans difficulté.
    François de Lyon arrive devant la demeure de son ami.
    Il descend de cheval. La porte est ouverte.
    À l’intérieur, du bruit, un foyer brûle, des hommes, trois, de dos, jettent des livres au feu. À terre, un malheureux artisan gît dans son sang.

Du bois contre du fer
    Les livres que l’on disperse dans les flammes, ce sont les mémoires de François de Lyon, l’homme à terre, c’est l’imprimeur, et ces canailles qui tournent le dos, les assassins.
    On ne saura jamais qui les envoya.
    L’apprenti du maître artisan avait-il vendu la mèche à quelque incendiaire qui redoutait de voir apparaître son nom en mauvaise place dans cette Illiade du siècle ? Probable.
    François de Lyon a renoncé depuis maintenant cinq ans à porter l’épée.
    Il se refuse à tuer encore… À faire couler davantage de sang. Il ne garde, près de ses sacoches, sur son cheval, qu’une canne de bois, une canne d’entraînement, afin de ne pas perdre la main, et de poursuivre ses exercices auxquels il excelle. C’est avec cette canne qu’il frappe à la porte.
    Les autres se retournent.
    L’un dit :
    — Et Beau-Louis, où est-il ? Il ne devait pas garder l’entrée ?
    Beau-Louis, c’est le quatrième larron. Une envie pressante l’obligea à quitter son poste, mais il revient.
    François de Lyon va être encerclé.
    Ce soir, il se sent prêt à rompre son serment, et il se désespère de n’avoir qu’un bâton à la main. Mais un bâton, c’est encore une arme. L’affrontement commence, à un contre quatre. La cape de l’auteur vole coup sur coup aux visages de deux adversaires, les aveuglant. Aussitôt, la canne frappe en pleine face, ce sont des nez brisés, des os rompus. Le manteau tombe à terre, les blessés se redressent, le visage sanglant, des jurons à la bouche, les lèvres fendues.
    Les autres ont repris l’assaut.
    François de Lyon fait de son mieux pour esquiver les coups de pointe et décocher dans les

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