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Don Juan de Tolède, mousquetaire du Roi

Don Juan de Tolède, mousquetaire du Roi

Titel: Don Juan de Tolède, mousquetaire du Roi Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Benoît Abtey
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simple.
    Pendant la représentation, Bastoche qui resta debout, derrière une colonne, a pu voir de loin Belles-Manières et notre critiques’entretenir à l’écart. Ce critique masqué, Bastoche l’avait déjà remarqué auparavant. Sa façon de parler, de lancer flèches et pointes avant le début de la pièce, l’avait naturellement distingué. Voilà une méchante chenille , se dit avec justesse le gamin de Paris.
    À la fin de la représentation, Bastoche suivit du regard ce désagréable personnage. Il le vit ôter son masque, être reconnu, son nom vola d’une bouche à l’autre, avec une forme de respect évident.
    Ceci et cela mis en rapprochement permit à Bastoche de tirer ses conclusions.
    Le jeune homme qui est encore un enfant est fort peiné.
    Ce spectacle auquel il vient d’assister, cette pièce après la pièce, cette mort de l’auteur succédant à celle de la tragédienne, lui met les larmes aux yeux.
    François de Lyon lui sourit, le prie de s’approcher et lui demande son nom.
    Bastoche , dit l’enfant.
    Pierre Mathieu questionne le mourant :
    — Maintenant la deuxième volonté, monsieur. Sans vous presser…
    — Vous avez raison, monsieur Belles-Manières, répond François de Lyon, ne gâchons pas mes dernières forces. J’aimerais partir comme je suis venu : au pied d’une église. Notre-Dame de Paris n’est pas si loin, auriez-vous la gentillesse de m’y accompagner et de m’aider peut-être à m’en approcher ?
    — Mais volontiers, monsieur.
    Bastoche se joint au groupe. Ce Belles-Manières, singulier caractère, ne lui fera aucun mal. Le jeune homme et le brigand aident donc le poète à remonter en selle.
    Belles-Manières tire les rênes, en marchant devant. L’enfant reste à côté du mourant, en lui tenant la main.
    L’héritage…
    Ce mourant ne souffre pas, il est serein.
    Pourtant, en arrivant devant le monument, il doit mobiliser toute sa volonté.
    Son corps ne demande qu’à dormir, son esprit qu’à s’élever, mais l’auteur sait qu’il doit livrer une dernière bataille : dompterla matière et retenir ce vaisseau hissant les voiles. Il veut, sinon vaincre la mort qui vient, du moins la tenir à distance quelques instants encore.
    Belles-Manières aide François de Lyon à descendre de cheval.
    Soutenu à dextre par un enfant, à senestre par un traîne-rapière, le singulier poète qui tient de l’un et de l’autre est conduit devant le perron de la cathédrale. Il s’assied, le dos contre la pierre.
    — S’il vous plaît, monsieur La Mort, dit l’auteur en désignant son cheval, apportez-moi trois choses. Dans mes sacoches, vous trouverez mes cahiers, de l’encre, une plume, et du vin. Rapportez-moi le tout. Le vin pour fouetter le sang, le reste pour achever mon testament.
    Belles-Manières obéit sur-le-champ.
    Dans l’église, une messe s’achève.
    Ce que François de Lyon veut écrire avant d’expirer, c’est le dernier chapitre de ses mémoires, ce qu’il veut écrire, c’est le récit de sa mort.
    Face à lui, Belles-Manières et Bastoche restent silencieux.
    Ils le regardent prendre la plume, sourire, oublier la douleur.
    Le mot Fin écrit sur la dernière page, le poète referme son livre.
    Une farandole approche.
    Ce sont des musiciens, des joueurs de flûte, de tambour, de vielle, de luth et de cornemuse. Ils traversent la place, le pas aérien, silhouettes fantomatiques, comme sortis d’un rêve. Ils sont grimés, costumés, déguisés : en faune, en bouc, en druide, en bouffon. Les premiers et les derniers marchent sur des échasses.
    Entre les chants liturgiques et les mélodies profanes, François de Lyon tient le centre.
    — Je n’avais pas tout dit, c’est chose faite. Il ne reste que lui, dit-il, en montrant son manuscrit. J’aimerais qu’il me survive, puis-je vous le confier, monsieur Belles-Manières ? Attention, prenez des gants, il brûle, et votre nom y figure désormais.
    — Tout le monde sait qui je suis et ce que je vaux, dit Belles-Manières. J’assume mes actes. Mais qu’en ferais-je ? À tout dire, je ne sais pas lire.
    — On ne peut le remettre à n’importe qui, en effet, convient François de Lyon. Il doit être déposé entre des mains dignes, dans les mains d’un homme qui ne craigne pas mes adversaires, un homme qui ne craigne pas de me laisser accomplir ma tâche.
    — En somme, un homme de peu de fortune, mais droit de cœur et de grand courage, il n’est qu’un nom qui me vienne à

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