Don Juan de Tolède, mousquetaire du Roi
l’esprit, dit Belles-Manières .
— De même , songe Bastoche.
— D’Artagnan ! disentils tous deux d’une même voix. »
… Et le légataire
— Vous, bien sûr ! dit le roi.
— Chose étonnante, hasard providentiel, dit d’Artagnan, il se trouve que ces trois individus réunis autour de Notre-Dame me connaissent chacun de leur côté.
« Mais François de Lyon ne peut exprimer ni sa joie, ni son étonnement. Au moment où mon nom jaillit par deux bouches à la fois, le poète vient tout juste de perdre la lumière.
Les musiciens ont disparu.
La messe semble n’avoir jamais eu lieu, le silence est revenu dans la cathédrale.
Il n’y brille plus aucune lumière.
Belles-Manières et Bastoche se demandent s’ils n’ont pas été victimes d’une illusion. Mais ils sont deux et ils ont tous deux vu et entendu la même chose.
Décidément , doivent-il se dire en contemplant la dépouille de ce poète ayant quitté les vanités de ce monde, que d’énigmes autour de cet homme !
Bastoche veut avertir quelque autorité, signaler la mort, mais Belles-Manières l’en dissuade.
— Laisse , dit-il à l’enfant, il est à sa place, à croire qu’il fait partie des murs. Ils le trouveront bien assez tôt, couché contre son église, comme un fils logé entre les jambes de sa mère.
Viens, jeune Bastoche, laissons-le.
Bastoche veut prendre le manuscrit, il espère me le donner, mais Belles-Manières s’en fait un point d’honneur, il ira me le porter plus tard.
— Il y a quelque chose, dit-il, dans ce livre… la vie de ce batailleur. Je ne serai pas fâché de savoir ce qu’elle contient, de découvrir en toutes lettres le récit du dernier chapitre.
— Je croyais que vous ne saviez pas lire ?
— Moi non, mais j’en connais qui peuvent. Je trouverai. En prenant soin de choisir un tiers avec circonspection.
Une vie pour une âme
Voilà, Sire, pourquoi je pus tout vous dire.
J’avais été renseigné en détail par la bouche de Bastoche puis, plus tard, par la plume de François de Lyon. Oui, le manuscrit me revint. Et comme il s’y engagea, Belles-Manières vint me l’apporter.
Ce que monsieur La Mort avait appris dans ces mémoires, ainsi que ce qu’il avait vécu tout dernièrement, firent manifestement de lui un autre homme.
Car quand il se présenta à ma porte et me livra ces cahiers, monsieur Belles-Manières, redevenu simplement Pierre Mathieu, tint à m’apprendre que, tout compte fait, il acceptait de bon cœur la grâce et le retour à la vie civile que lui offrait le cardinal.
Il n’est pas défendu de croire qu’en allant tuer François de Lyon – je vous laisse y songer, Sire –, le mercenaire Belles-Manières marchait effectivement vers sa rédemption, et qu’ainsi la mort du poète racheta l’âme du brigand. »
Questions sans réponses
Le roi Louis XIV veut évidemment savoir comment se nommait véritablement le poète François de Lyon, de même il tient à connaître le titre de ses mémoires car enfin, il aimerait les lire.
Mais d’Artagnan doit mentir, biaiser. Il se repent, d’ailleurs, un peu tard, on en conviendra, de ne pas avoir su tenir sa langue. Cette histoire est si belle ! Généreux, d’Artagnan céda au besoin de la partager avec son jeune et fidèle auditeur, un complice
Il répond donc en noyant le poisson et le roi se laisse étourdir, pour la simple raison qu’il attend la suite du récit.
Certes, il faut bien expliquer en deux mots pourquoi d’Artagnan refusa de dire la vérité. C’est que ces mémoires sont en effet brûlantes à bien des égards. L’auteur qui fut mêlé de près aux intrigues du temps y lève notamment le voile sur le mystère entourant la mort du roi Henri IV. Car cette mort, rue de la Félonie, quoiqu’on en dise, reste bien mystérieuse. Ravaillac fut-il un homme isolé, ou bien servit-il de bras armé et d’homme de paille à une autre cabale ? Pour le savoir, il faudra se plonger un jour dans cet ouvrage, Par le fer et par la plume .
Un ouvrage que d’Artagnan ne peut remettre entre les mains du roi, à moins d’arracher quelques chapitres, quelques dramatiques conclusions. Eh oui, la Providence voulut que les secrets de François de Lyon devinssent, à la mort du poète, ceux de d’Artagnan. Des secrets de plus, encore des secrets… Lourd bagage pour un fidèle serviteur de la Couronne, qui décidément n’en avait pas tant demandé !
Mais n’en disons pas
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