Don Juan de Tolède, mousquetaire du Roi
trouvait à portée de main, un spectateur engagea la conversation avec monsieur Mathieu, son voisin.
Cet homme était bien évidement masqué, tout comme le brigand, respectueux des consignes. Pardonnez-moi, monsieur, d’être si direct, mais j’ai surpris sans le vouloir quelques mots de la conversation que vous venez de tenir avec cet homme qui disparaît derrière vous.
Belles-Manières s’apprête à bâtonner ce drôle du plat de son épée pour lui apprendre à se mêler de ce qui ne le regarde pas, il entraîne l’homme à l’écart, donc, dans l’intention première de le corriger, quand l’individu se fait mieux comprendre : Attendez…Vous souhaitez rester ce que vous êtes… et je vous félicite, cela pourrait m’être utile, car j’ai peut-être un service à vous demander. Contre finances, c’est entendu.
Belles-Manières se détend. Si on lui proposa plusieurs fois d’empocher de l’or en quantité, et d’être ainsi à l’abri du besoin pour les prochains mois, il refusa toujours, sa ligne de conduite si rigoureuse et inflexible sur ce chapitre le lui interdisant. Le bas percé, sans sou ni maille, il reste donc disponible. Diable, le prêtre vivant de l’autel, Belles-Manières frise sa moustache en crocs et questionne son interlocuteur : De quoi s’agit-il ?
Il s’agit de monsieur, répond l’individu en désignant du doigt le seul spectateur de la salle qui ne porte pas de masque. Ce spectateur, c’est l’auteur. Comble du comble, il ignorait qu’il fallait demeurer anonyme. Mais quand on lui proposa de lui offrir un loup, il repoussa la protection. Je me terre depuis des années, expliqua-t-il , alors que tous ceux qui devraient fuir la honte et rechercher l’ombre d’une chapelle pour y trouver Dieu paradent au grand jour. Ce soir, les rôles s’inversent. Ce rebelle est donc l’auteur, François de Lyon.
Et c’est cet homme que monsieur Pierre Mathieu, dit La Mort, dit Belles-Manières, va devoir tuer.
Or, en cet instant, si l’inconnu reconnaît celui qu’il voudrait voir quitter le monde des vivants, il ignore encore qu’il est bien l’auteur du chef-d’œuvre auquel il va assister.
Il est en de même pour Belles-Manières.
Pour quelles raisons ce commanditaire souhaite faire disparaître notre ami ?
Une vieille querelle. Une sombre histoire. L’un est coupable, l’autre innocent. Et c’est bien sûr l’innocent que l’on recherche. Le fait est grave, il s’agit de meurtre. Voilà donc pourquoi François de Lyon se fait appeler François de Lyon. Il est accusé. Mais alors, s’il est poursuivi, pourquoi se montre-t-il ainsi à visage découvert ? me demanderez vous, Majesté. La première raison, je viens de vous la donner : la fierté. La deuxième, c’est que notre homme va quitter Paris le soir même. La troisième, c’est qu’il est las, peut-être, de devoir dissimuler.
Si François de Lyon est venu à Paris, c’est pour y faire imprimer ses mémoires par un homme de confiance. Attention, ces pages ne sont pas à mettre entre toutes les mains. Son rédacteur ydénonce certains forfaits, y brocarde maints noms illustres. La vérité est un crime. Il faut lui trancher la tête.
La pièce se termine.
Les spectateurs ont mis bas les masques.
Parmi ces admirateurs, un honnête citoyen est particulièrement enthousiaste. Ce beau personnage arriva, comme beaucoup, plein de défiance. Mieux : il ne venait que pour trouver matière à torturer par la plume l’auteur et les interprètes. Jeu cruel du critique qui devient le prolongement chez l’adulte de cette activité qu’affectionne plus d’un enfant : emprisonner un insecte sans défense, puis lui arracher les pattes et les ailes une à une.
Plus tard, les jeunes bourreaux insouciants sont devenus des arbitres consciencieux et les proies humaines remplacent les chétives créatures, mais au fond rien n’a changé. C’est toujours le fort qui crucifie le faible, la puissance qui étrangle la vie.
Vous l’avez compris, Sire, ce critique, c’est notre très fameux et très influent Philémon Janisse de La Ravoie. Or, monsieur de La Ravoie revient de loin. Il ne peut se le cacher, l’émotion le frappa à cet endroit qu’il croyait inaccessible : son cœur.
Et c’est avec une profonde honnêteté intellectuelle, morale, qu’il veut s’amender, complimenter ceux qu’il jugeait si mal. Il veut présenter ses excuses à Hercule de Maisonneuve, au Cid, lui dire, Jeune homme,
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