Don Juan de Tolède, mousquetaire du Roi
la vie à germer, mais un secret entre les hommes peut être également un lien d’attachement, une promesse de fidélité, parfois même une chaîne d’amour. Feu votre père m’a désigné pour être votre parrain. Jusqu’à aujourd’hui, je n’étais que votre conducteur, cet honneur, si haut placé, fait toute ma fierté. Désormais, Sire, puisque vous partagez avec le chevalier d’Artagnan ici présent, mon secret , j’ose prétendre que notre relation s’est enrichie, et que ce jeune roi que vous êtes, un roi à l’avenir si glorieux, que ce jeune roi de dix ans n’est plus seulement mon maître, mais qu’il est également devenu mon ami.
Le roi est mort. D’Artagnan passe au service du cardinal de Mazarin
Le roi Louis XIV et le chevalier d’Artagnan sont de nouveau seuls.
La pièce où se sont installés l’homme de confiance et le prince a été soigneusement fouillée. Ses murs sont épais, ils n’ont pas de trous, donc pas d’oreilles. Le plancher est solide et sain, il ne souffre d’aucune fissure, aucune fuite ne partira par le bas. Le garde qui tenait la porte a été prié de prendre de la distance, de ne la franchir qu’en dernier recours, et en avertissant de sa venue, de bruyante manière.
La porte est verrouillée.
Les bonnes conditions de sécurité ayant été réunies, d’Artagnan va pouvoir reprendre.
Le jeune roi est plus que jamais tout ouïe. Il ne va pas perdre une miette de ce qu’il va entendre, il ne va pas interrompre le mousquetaire .
Celui-ci tousse par trois fois, avant de commencer, pour éclaircir sa voix.
« Nous voici donc au lendemain matin de cette trépidante journée que nous laissons après nous, remplie de mystères et d’énigmes. Ce jour se lève, radieux, clair, printanier. Mais une annonce formidable et néanmoins attendue va jeter un voilefunèbre sur la France. Les tambours vont se draper de noir. Nous sommes le 14 mai 1643.
Monsieur de Mazarin est venu ici même, en ce château de Saint-Germain, dès l’aube, au chevet du roi votre père.
Celui-ci l’a fait mander en urgence. Louis le Juste veut formuler ses dernières volontés. La grande cour, les confesseurs, les prêtres, les cousins et les amis du monarque doivent s’écarter et laisser passer le nouveau ministre. Celui qui hérita du testament politique du duc de Richelieu va à présent recevoir la direction réelle du royaume, aux côtés de la régente votre mère. En le déclarant votre parrain, Louis le Treizième charge Son Éminence de poursuivre votre éducation. Lourde charge. Responsabilité immense. Ce passage signifie confiance absolue.
Bientôt les cloches sonnent dans toute la Ville.
La nouvelle se propage par monts et vaux.
Le roi est mort, vive le roi Louis XIV !
Monsieur de Mazarin doit maintenant laisser la place et regagner la sienne.
Les solennités de circonstance vont incessamment être célébrées, mais le cardinal veut retourner à son bureau. Il ne veut pas perdre un instant.
Comme bien d’autres, j’ai gagné le Louvre avant d’apprendre la mort du roi.
Si j’avais dû la veille attendre longtemps mon tour, aujourd’hui tout se passe différemment. La reine m’a fait porter un billet au cas où je paraîtrais. Je dois désormais m’entretenir de l’affaire qui nous occupe, l’affaire qui ne porte pas encore son nom, mais que nous appellerons bientôt l’affaire des Importants , je dois désormais, dis-je, m’entretenir de l’affaire confidentielle avec monsieur de Mazarin en personne. Le cardinal prend le relais.
Où l’on voit qu’un objet décoratif peut avoir une grande utilité dans le bureau d’un ministre
Ainsi soit-il.
Je suis reçu sans délai.
Sortant à peine de la chambre mortuaire, le cardinal me pria d’entrer.
Nous en venons aux faits.
— La reine, me dit Son Éminence, m’a tout appris.
Je suis complimenté, encouragé, et questionné. Soit. Je viens en effet faire mon rapport journalier. Les événements et les informations s’accumulant les uns et les unes à la suite des autres, j’estime qu’il est de mon devoir d’avertir rapidement votre parrain. Le cardinal m’écoute attentivement… je condense mon récit, je présente les nouveaux acteurs, avant de laisser à mon nouveau maître le soin de conclure :
— Vous avez bien fait, monsieur le chevalier, de suivre tous ces gens, de mettre votre nez un peu partout. C’est un jeu de patience que nous avons sous les yeux, un jeu de patience
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