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Don Juan de Tolède, mousquetaire du Roi

Don Juan de Tolède, mousquetaire du Roi

Titel: Don Juan de Tolède, mousquetaire du Roi Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Benoît Abtey
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avoir arraché ces biens et ces terres qui lui reviendraient de droit ! Il est à la porte, il attend de pouvoir s’exprimer, autant dire m’accuser. Oh, je pourrais combattre argument par argument, accepter de rentrer dans ce vilain débat où l’on veut m’entraîner, mais plutôt que d’entretenir le feu d’une querelle, d’exciter la vindicte de cette tête folle qui ne demande qu’à me traîner sur la claie, je préfère lui opposer mon silence, la défense des probes ! Je ne suis pas venu les mains vides…
    — Je vois en effet que vous tenez une bien belle œuvre.
    — Ce bronze – une pièce signée par Cellini lui-même ! – est pour Votre Éminence.
    — Vraiment ? Je suis très touché…
    — L’œuvre a pour titre La Vérité triomphant de la Calomnie …
    — Beau sujet.
    — Je crois que Votre Éminence est bien placée pour savoir qu’on ne jette les pierres qu’à l’arbre chargé de fruits. La calomnie est un serpent aux écailles luisantes, elle brille, mais elle rampe, sa langue fourchue, fine comme une aiguille, ne s’anime que pour frapper, c’est un poignard trempé dans le poison.
    — Il est vrai .
    — Et voyez comme la Vérité, ce saint Georges, la terrasse : sans tirer le fer, sans ouvrir la bouche, sans même croiser son regard. Elle se refuse à lui trancher le col, sachant que ce monstre, semblable de l’Hydre de Lerne, se multiplie quand on le blesse. Non, la Vérité triomphe de la Calomnie en lui clouant le bec du bout de son bâton, celui d’un pèlerin qui poursuit sa route. Je me permets donc, Votre Éminence, de vous demander au nom de cette Vérité den’accorder aucun crédit à toutes ces inventions tirées d’un esprit échauffé, et victime, je le crains, des influences d’en bas…
    — Celles du démon ?
    — Je n’osais le dire.
    — Mais ces inventions, quelles sont-elles ?
    — Ce drôle me menace et la fin justifie les moyens. Il ne reculera devant aucune perfidie, le mensonge seul pouvant ne pas suffire. Il viendra sans doute vous apporter de faux documents, des fabrications, pour tenter de me mêler – ce sont là ses aveux – moi et mon nom aux mouvements des intrigues et des cabales… Allons ! Gaillusac est sans tache et dois-je le dire encore, je n’ai pas à rougir en voyant mon reflet dans le miroir. La manœuvre est cousue de fil blanc : complots, attentats, ces mots sont trop chargés d’histoire pour ne pas forcer l’attention. Ce rusé pendard espère semer le trouble dans votre esprit, et ne pouvant légalement défendre sa cause perdue d’avance, il s’imagine benoîtement qu’il suffirait de m’accabler de crimes pour me défaire de mon héritage. Cela étant, je ne vois qu’un moyen d’assagir ce mécontent, d’apaiser cette fièvre qui le travaille et cet appétit qui le dévore : panser ses plaies d’argent. S’il s’engage à se comporter en honnête homme, je suis donc prêt à oublier toutes ces inventions, tous ces mots, à lui verser une pension.
    — Bien. Je vous approuve tant, monsieur de Gaillusac, que je me chargerai personnellement de ramener votre neveu à la raison et de lui faire accepter votre offre.
    — Je ne pouvais espérer plus digne ambassadeur. Cela convenu, et pour achever cet entretien sur une note heureuse que vous avez la bonté de m’accorder, je me permets de vous demander encore une minute de votre temps.
    — Parlez, monsieur de Gaillusac.
    — Peut-être savez-vous que nous venons mon épouse et moi-même d’acquérir un petit hôtel particulier à quelques pas de Notre-Dame l’église… la cathédrale. Nous souhaitons donner, après-demain soir, une réception de qualité, pleine de gaieté, avec de la musique et du théâtre, des artistes… Nous serions très touchés si vous acceptiez d’y prendre la place d’invité d’honneur.
    — Hélas, répond le cardinal, je ne pourrai êtres des vôtres. Et je le regrette fort. D’autres occupations me retiennent ce soir-là. En revanche, si vous souhaitez m’être agréable, faites-moi la faveurd’inviter votre neveu. Mon vœu le plus cher est que s’établisse la paix dans les familles. De cette paix dépend la sauvegarde du royaume. Enfin, nous tâcherons, à l’aide de cette bonne volonté dont vous faites preuve, de trouver un accord de principe qui puisse balayer les haines et rendre justice aux deux partis. Nous travaillerons, main dans la main, à la concorde. Merci, monsieur de Gaillusac. Mes respects à votre

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