Don Juan de Tolède, mousquetaire du Roi
l’oreille à ce qui se dirait là-bas, lors de cette petite veillée aux flambeaux.
Mais depuis, nous savons que tout a changé.
Ne pouvant plus compter sur cette Italienne pour me faire passer de vie à trépas, nos messieurs vont certainement mettre en route les préparatifs de cette manière forte, dont le sieur Lanteaume pourrait être l’instrument d’exécution. Je dis peut-être, puisque aux dernières nouvelles, celui-ci n’a point été informé des plans auxquels on le destine. Il serait d’ailleurs libre de refuser cette offre d’embauche qu’on ne va plus tarder à lui faire. Mais je doute qu’il laisse passer une si belle occasion de venger son honneur, de défendre ses idées, de recouvrer ses terres et de faire fortune.
Il s’agit donc de tourner notre attention du côté de ce rebelle et de son armée de coupe-jarrets.
Il n’est bien sûr pas question de s’en prendre à Lanteaume sans pouvoir légitimer son arrestation ou sa mort par d’impardonnables accusations. Nous devons briser son image de redresseur de torts, avant de le mettre aux fers ou de le conduire au billot. Car s’enprendre à un tel homme, ouvertement, c’est courir le risque de déclencher une émeute, de mettre Paris dans la rue. N’en faisons pas un martyr. De plus, ne l’oublions pas, il s’agit de prendre toute la Cabale dans notre nasse. Ces intrigants ne peuvent conspirer à loisir ! Sans honte et sans crainte ! Je ne suis pas monsieur de Richelieu, certes, mais si je n’ai ni les pouvoirs ni le désir d’abandonner ces Grands révoltés aux mains de monsieur de Paris, maître bourreau de la Ville, je puis en revanche user de représailles, les jeter à la mer, les forcer à l’exil, les faire périr d’ennui au fond d’une Bastille ! Et l’on y réfléchira à deux fois avant de rêver à ma perte !
Quoi qu’il en soit, Lanteaume est désormais dans notre œil de mire.
Tout risque de se jouer demain.
Madame Edwige de Bellerasse et monsieur l’abbé Grégoire de Ravigneaux
Je m’explique. Nous savons désormais avec certitude que monsieur de Gaillusac est l’ambassadeur de la Cabale. Monsieur Edmond de Villefranche nous en a apporté la preuve. Et j’imagine que la fête que ce truchement veut donner en son hôtel, demain, prend prétexte d’une pendaison de crémaillère pour couvrir dans la débauche et le bruit une petite réunion de conspirateurs. Oh, nos grands seigneurs, nos intrigantes en chef, se garderont sagement de montrer leur tête au balcon. À passage et à rivières, laquais devant et maîtres derrière… Les plus fervents sont au pied de leur chapelle priant à la réussite de leurs projets… Quant aux libertins, c’est la coupe aux lèvres, une maîtresse à leurs genoux, qu’ils attendent l’heureux dénouement de l’histoire !
En revanche si ceux-là demeurent en retrait, d’autres viennent en émissaires. Dès demain, je le sais de source sûre par mes agents, deux nouveaux satellites de la Cabale vont gagner Paris. Et quel joli couple ! Je vous présente par avance madame Edwige de Bellerasse. Cette habile comédienne est d’autant plus dangereuse qu’elle est d’une grande beauté. Depuis trois ans, elle joue à merveille un rôle qui semble avoir été écrit pour elle. Son mari est un ancien maréchal, vieux blessé de guerre, invalide et souffreteux, qui a deux fois son âge. Il n’en finit plus de mourir, au granddésespoir de sa jeune épouse. Pour user de sa liberté sans éveiller les suspicions, cette grande voyageuse, régulièrement absente du domicile conjugal multiplie les visites de charité. Là où sont les hospices, les hôtels-Dieu, les couvents et les monastères, les enfants trouvés et les grands malades, ses amants ne sont pas loin. Elle prie, du moins elle fait semblant, elle ouvre son cœur – aux fleurons des régiments – et elle intrigue, par jeu. Je sais tout d’elle par la bouche d’un capitaine qui fut son bon ami quelques jours et quelques nuits. Déçu d’avoir été déclassé soudain par un nouveau postulant qui offrait à cette changeante enfant tout l’attrait de la nouveauté, l’homme vint me trouver en confession, sachant, sans doute, par esprit de vengeance, qu’il ne pouvait frapper à meilleure porte pour porter un jour à cette maîtresse, par trop volage, un coup décisif. L’heure a sonné.
La voici, pour son dernier pèlerinage, accouplée à une âme non moins fine, et non moins double. J’ai nommé
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