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Don Juan de Tolède, mousquetaire du Roi

Don Juan de Tolède, mousquetaire du Roi

Titel: Don Juan de Tolède, mousquetaire du Roi Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Benoît Abtey
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pour un renseignement.
    — De quel ordre ? demande-t-il en se frottant la barbe. Médical ? Si c’est le cas, l’information est au tarif d’une consultation habituelle.
    — Je veux savoir ce que te voulait l’homme qui vient de partir.
    — C’est indiscret.
    — J’entends. Mais tout se paye.
    — Humm… je ne sais pas. L’homme pourrait revenir et me demander des comptes. Il est fort, il porte une épée au fourreau, je suis seul, et je n’ai qu’un bâton.
    — Allons, pas de manières, du reste, je suis non moins riche que lui et tout aussi bien armé.
    Je sors ma bourse et je pose trois pièces sur la table.
    — Ne mens pas, je le saurai.
    — Un poison. Il voulait un poison… Que voulez-vous, il m’arrive d’en fabriquer pour les besoins de la science… je fais des expériences. J’interroge la nature.
    — Un poison, voilà qui est intéressant. Pour quel usage ? Parle, dis-je en déposant une autre pièce, à côté des premières.
    — Il voulait en enduire la pointe de son épée. Celui que je lui ai fourni n’agit véritablement qu’au bout de quelques heures. Il suffit d’une simple coupure, d’un premier contact avec le sang et la médecine fait son travail… en prenant son temps.
    — Il ne t’a rien dit d’autre ?
    — Non, monseigneur. Si vous vous livrez à une enquête, le reste, je crois bien qu’il vous faudra le découvrir tout seul. »

Perspective royale
    — Je n’aime pas cet homme, il me fait peur, dit le jeune roi.
    — Lequel, Votre Majesté ? demande d’Artagnan, le sinistre boutiquier, le marchand de malheur ou le client mystérieux ?
    — L’un me répugne et l’autre me terrifie. Cet inconnu œuvre dans l’ombre et ce sorcier s’y blottit. Je n’aime pas l’obscurité. Je choisirai le soleil pour emblème. Le soleil est la vie et la majesté. Quand je serai en âge d’exercer mon pouvoir, je mettrai plus de fenêtres aux palais et plus de lumière dans Paris. Ces quartiers que vous me faites visiter me font frémir. J’y vois dans mon esprit des hommes y vivant comme des rats… dans des refuges plutôt que des maisons, volant leurs nourritures, se terrant le jour et ne sortant que la nuit.
     
    Le roi se lève. En tournant le dos au chevalier, il va se poster devant la fenêtre. Louis XIV ferme les yeux, tend son visage vers la lumière, comme s’il voulait l’aspirer, s’y réchauffer le cœur.
    — Oui, moi le roi, je donnerai du pain aux nécessiteux, du travail aux désœuvrés, je rendrai la santé aux malades. Je veux que la clarté triomphe partout sous mon règne et que chaque homme ait sa part de rayons. Je refuse de partager ma domination avec le maître des ténèbres… je le renverrai en enfer ! Je serai le roi de tout un peuple et de ces vingt provinces qui font l’unité et la grandeur de la France ! Paris, où se tient le trône, comme la tête est au sommet, devra donner l’exemple du beau et du bien. Ces maux, ces lèpres, qui défigurent aujourd’hui notre capitale, sont une honte. La vermine est au pied du palais, la misère à la porte du gouvernement !
    L’enfant roi se retourne. Il semble contempler là-haut une vision extraordinaire :
    — Assainir ce foyer d’infection qui demeure à quelques jets de pierre de la maison du Louvre, c’est travailler au bonheur de toute une nation. Si l’eau est pure à la source, tous, hommes et bêtes, qui viendront en bas s’abreuver aux bras des rivières, en recevront les bienfaits. Je mettrai mes architectes à l’ouvrage. Les pontsseront dégagés, j’ouvrirai les rues, je ferai passer de l’air et du vent là où l’on étouffe, je couvrirai la fange de pavés et l’honnête homme sera partout chez lui. Il n’aura plus à craindre pour sa vie.
    Essoufflé, mais vivifié, l’enfant conclut en baissant les yeux vers son protecteur :
    — Voyez, chevalier, en me décrivant en détail ce passé tout récent, vous me faites voir l’avenir et tous ces changements que j’apporterai.
    Le chevalier regarde son interlocuteur avec admiration. Ce roi pourrait bien changer les choses.
    — Eh bien, Votre Majesté, c’est me faire beaucoup d’honneur. Votre vision est si bien dessinée que je la vois prendre corps comme si vous veniez, ligne par ligne, de la tracer sous mes yeux.
    — Cependant, dit le roi en reprenant place, si nous apercevons le but à atteindre, si ce songe éveillé n’est plus si loin de devenir réalité, en la présente, je reste saisi d’effroi…

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