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Don Juan

Don Juan

Titel: Don Juan Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Zévaco
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rencontre, s’était prudemment reculé jusqu’au détour du chemin de la Corderie, s’était éclipsé dans la rue du Temple, et, pour plus de précaution, s’était terré dans un cabaret borgne où les soldats de garde au château venaient boire, jouer aux dés et lutiner les pauvres filles qui, le soir venu, y cherchaient un refuge contre la morale publique représentée par le guet.
    Bel-Argent, qui était l’ennemi déclaré de Jacquemin Corentin, avait du moins un point de ressemblance avec lui : c’était sa passion immodérée pour les flacons où s’enferme la liqueur qu’en ces temps lointains les buveurs avaient le droit d’appeler jus de la grappe – droit que nos mœurs plus raffinées et plus chimiques leur ont retiré. En effet, ce n’est plus guère que dans les romans et les chansons à boire que le jus de la grappe persiste à vivre, tout étonné de cette survivance qui ne répond plus qu’à des réalités bien pâles et, pour parler net, bien mensongères.
    En ces temps, donc, le vin – bon ou mauvais – était du vin ; à cause de cela, sans doute, il ne coûtait pas cher. Bel-Argent se promit de vider un flacon, et tout aussitôt de courir après son maître. Il en but trois… plus d’une heure s’écoula.
    Lorsqu’il sortit du cabaret en question, en raidissant sa marche, lorsqu’il reprit pied dans le chemin de la Corderie :
    – C’est étonnant, dit-il. Je ne suis pourtant resté qu’une minute en ce lieu, et n’y ai bu qu’un gobelet de pauvre vin. Et déjà le sire de Ponthus a disparu. Que peut-il bien être devenu ?
    Il était justement arrêté devant l’hôtel Loraydan dont le portail était resté entrebâillé.
    Il méditait sur cette disparition de son maître qu’il trouvait si prompte – le temps d’un gobelet à peine !
    Tout à coup ces mots lui parvinrent distinctement :
    – Tu l’as vu ! Tu l’as vu sortir ! le gentilhomme qui était avec moi, tu l’as vu s’en aller ?…
    Bel-Argent écouta sans la comprendre l’étrange conversation qui eut lieu entre Amauri de Loraydan et son valet Brisard. Et, tout à coup, comme il se grattait le menton pour s’aider à comprendre, il fut heurté par quelqu’un qui lui dit :
    – Gare donc, manant !
    Bel-Argent allait riposter, il se tut, et soudain se recula, l’homme qui l’apostrophait ainsi, c’était le comte de Loraydan. Amauri continua son chemin sans plus s’occuper du manant. On a vu qu’il se rendait au Louvre.
    – Oh ! fit Bel-Argent. Il ne m’a pas reconnu ? Ce que c’est que de devenir honnête ! Mais si je deviens encore un peu plus honnête, je ne me reconnaîtrai donc plus moi-même ? Oh ! oh ! Ce serait trop, tout de même. Arrête, Bel-Argent, arrête-toi sur cette dangereuse pente de vertu… Mais si je ne me trompe, ce digne seigneur qui voulut faire occire M. de Ponthus par Jean Poterne est sorti de cet hôtel… et c’est lui qui disait : « Tu l’as vu ? Tu l’as vu sortir ce gentilhomme ?… » De qui ? De quoi était-il question ?
    Encore sous l’influence de ses flacons, Bel-Argent, bravement, pénétra dans la cour de l’hôtel et s’avança en souriant vers Brisard qui le vit venir avec étonnement et le toisa, et l’accueillit d’un rude :
    – Que demandez-vous céans ?…
    – C’est un bien magnifique hôtel, dit Bel-Argent de sa voix la plus agréable.
    – L’hôtel de mon maître, M. le comte Amauri de Loraydan. Et après ?
    – Ce seigneur qui vient de sortir ?… C’est M. le comte Amauri de Loraydan ?
    – Lui-même. Et après ?
    – M. le comte Amauri de Loraydan est un bien généreux seigneur, puisqu’un jour, à Jean Poterne et à moi, il nous donna douze cents livres.
    – Douze cents livres ! s’exclama Brisard soudain captivé, intéressé par cet incroyable événement. Eh bien, à moi qui le sers, hors mes gages, jamais il ne m’a… mais qui êtes-vous ! Et que demandez-vous ?
    – Ce cabaret, dit aimablement Bel-Argent, ce cabaret, là, au détour de la rue du Temple, c’est un bien digne cabaret…
    – Oui, fit Brisard… le Bel-Argent !
    – Plaît-il ?…
    – Quoi ?…
    – Vous avez dit mon nom ! Vous l’avez dit ?
    – J’ai dit : l’auberge du Bel-Argent. Après ?…
    – Mon auberge ?
    Bel-Argent passa une main sur son front, considéra Brisard avec attention, et se prit à rire. Brisard alla dans un angle de la cour se saisir d’un solide bâton, et

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