Douze
nuit précédente, j’ai vu Foma et Ioann, répondis-je en faisant un signe de tête en direction de Ioann, qui se tenait toujours silencieusement aux côtés de son camarade. Ce n’est pas toujours facile de traverser la ville, même de nuit. Je suis sûr que les autres sont parfaitement en sécurité.
— Vous avez sans doute raison, Alexeï Ivanovitch : ceux que vous n’avez pas vus sont tout à fait en sécurité, j’en suis certain. J’ai moi-même vu Piotr et Andreï pas plus tard que la nuit dernière.
Ioann balayait le sol de ses pieds avec impatience et regardait autour de lui.
— Je crois que nous ferions mieux de nous remettre au travail, déclara Iouda, notant la nervosité de Ioann. Nous nous reverrons sûrement tous bientôt.
Il jeta un coup d’œil à chacun d’entre nous, tour à tour, au cas où nous ayons quelque chose à ajouter. Constatant que nous n’avions rien à dire, ils firent demi-tour et s’en furent.
Une fois qu’ils furent hors de portée de voix, j’entendis le timbre de Vadim dans mon oreille.
— Alors, lequel veux-tu prendre ?
L’idée de poursuite qui avait flotté dans mon esprit avait évidemment traversé aussi celui de Vadim.
— À toi de choisir, dis-je.
— Vous allez les suivre ? demanda Dimitri, comme s’il était étonné que nous puissions envisager quelque chose d’aussi sournois.
— Je veux constater par moi-même ce qu’a décrit Alexeï, déclara Vadim. Je serai alors peut-être convaincu. Je prends Iouda.
— Parfait pour moi, répondis-je.
Mon plan n’était pas simplement de poursuivre l’un d’eux, mais de le poursuivre et de le tuer. À cette fin, je préférais que ce soit Ioann. Aussi étrange que cela soit à admettre, Iouda parvenait à conserver quelque vestige de personnalité – par rapport, du moins, à l’autre Opritchniki – qui rendrait sa mort moins agréable.
— Je prends Ioann.
— Tu n’es pas obligé de te joindre à nous si cela va à l’encontre de ta conscience, Dimitri, dit Vadim avec un sourire entendu.
Il était impensable que Dimitri s’autorise à être exclu de ceci.
— Non, j’en suis. Je vais aller avec Alexeï.
— Ça ira, dis-je, ne voulant pas que Dimitri interfère avec mon véritable objectif. Je vais me débrouiller. Va donc avec Vadim.
— Non, Alexeï. Nous sommes la vieille équipe. C’est ensemble que nous travaillons le mieux.
Je ne pouvais pas protester davantage sans que cela devienne trop évident, et Dimitri le savait.
Les deux Opritchniki étaient encore tout juste visibles, quittant la place à droite de Saint-Basile. Nous nous mîmes tous trois à courir à travers les restes calcinés des échoppes de la place, puis nous contournâmes la cathédrale par la gauche. Iouda et Ioann s’étaient séparés, Iouda venant dans notre direction. Nous nous plongeâmes sous l’une des nombreuses arcades à colonnes sous les marches de la cathédrale. Iouda passa devant nous sans nous voir. Avec un bref sourire et un signe de la main, Vadim se lança à sa poursuite.
Dimitri et moi nous dirigeâmes dans la direction opposée et aperçûmes bientôt Ioann. Il avait tourné vers l’ouest le long des berges entre le Kremlin et la Moskova.
Les pérégrinations de Ioann cette nuit-là ne furent pas très différentes de celles de Matfeï la nuit précédente, ou de Foma la nuit d’avant. Sa proie – comme celle de Foma – provenait d’un groupe concentré de soldats. Au cours de la nuit, il trouva trois casernes distinctes, dont deux que j’avais mentionnées lorsque je les avais informés, Foma et lui, quelques jours plus tôt. Il se glissa silencieusement dans chacune d’elle, ne faisant pas le moindre bruit en entrant ou en tuant. Nous ne fîmes quant à nous aucune investigation au sujet de ce qu’il avait accompli ou de qui il avait tué. Nous savions tous deux fort bien ce qui s’était passé – contrairement à Vadim, nous n’avions besoin d’aucune preuve matérielle supplémentaire.
Attendre et observer tandis que Ioann vaquait à ses activités résumaient l’ambivalence de mon attitude envers les Opritchniki. Mon intention était de tuer Ioann à la première occasion. J’aurais dû être mortifié à chaque meurtre que mon attente lui permettait de perpétrer. En réalité, je ne pouvais que m’en réjouir. Il tuait des envahisseurs français. Leur décès était l’objet même pour lequel nous avions fait venir les Opritchniki à Moscou. Mon désir de
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