Douze
demi-tour pour échapper aux voordalaki auquel nous devions faire face, la main de Dimitri me repousserait sans pitié vers eux ? Dimitri m’avait sauvé la vie sept ans auparavant. Nous avions été les plus proches des amis avant cela et depuis lors. J’avais donné son nom à mon fils. C’était une idée choquante pour l’un de nous, ou les deux, qu’en ce moment même je puisse douter de lui.
En bas de l’escalier, ma bougie illumina d’un côté une arcade donnant vers une petite cave et, de l’autre, une double porte fermée. Je constatai d’un coup d’œil rapide qu’il n’y avait rien de l’autre côté de l’arcade. Le plafond s’était partiellement effondré et personne n’avait pris la peine de le réparer depuis des années. C’était un miracle qu’aucun dîner tenu dans la pièce au-dessus — tables, chaises, soupières, assiettes, domestiques, invités et autres — ne soit jamais passé au travers pour atterrir ici. Ioann n’y avait pas non plus établi son couchage.
Dimitri resta dans l’escalier, bloquant de nouveau presque délibérément ma sortie. J’ouvris la porte de gauche et scrutai dans l’obscurité au-delà. Cette cave était plus grande que l’autre, moins délabrée mais tout aussi inutilisée par les occupants de la maison. Aucune fenêtre ne laissait passer la moindre lumière vers l’intérieur, et il n’y avait pas d’autre sortie que celle où je me tenais. De manière assez similaire à ce que j’avais vu, vingt-quatre heures plus tôt, deux cercueils étaient posés au centre de la pièce. Cette fois, il ne s’agissait pas des caissons de fortune de la nuit précédente. Ceux qui se reposaient ici dormaient dans le luxe. Les cercueils étaient en chêne massif, avec des poignées de laiton. Je ne pouvais deviner où les vampires se les étaient procurés.
Je m’approchai d’eux. À mi-chemin, j’entendis un bruit dans mon dos. Je venais de pénétrer dans une cave dotée d’une unique sortie. Si quelqu’un m’avait attendu, il aurait facilement pu se cacher à côté de la porte et refermer le piège sur moi. Je me retournai. C’était Dimitri, qui regardait à la dérobée par la porte. Pour un homme si familier des us des Opritchniki, il était remarquablement timide à l’idée de les rencontrer dans leur propre environnement. Je lui fis signe de me suivre, mais il resta où il était.
Je fis un pas vers le premier cercueil. Il était vide. Me déplaçant plus loin, je regardai dans le second.
Ioann y était allongé, son visage ayant la même teinte rosée de satiété que j’avais observée sur Matfeï. Ioann n’avait même pas pris la peine de ramener au-dessus de lui le couvercle du cercueil. Dans cette cave aveugle, il y avait peu de chances pour que la lumière du soleil vienne perturber son sommeil.
— Qu’y a-t-il dedans ? siffla Dimitri depuis la porte.
Je n’osai émettre le moindre son, même le plus faible. J’articulai juste silencieusement à son intention.
— Ioann est dans celui-ci. L’autre est vide.
— Alors dépêchons-nous de partir d’ici, bon Dieu, avant que l’autre revienne.
Dimitri parla plus fort cette fois et, une fois qu’il eut parlé, il disparut. Je ne pus que me fier à son expérience et supposer que ces créatures n’aimaient pas voir leur sommeil dérangé.
Je remontai l’escalier vers le couloir, puis sortis, regardant alentour pour voir où se trouvait Dimitri. J’entendis un sifflement et avisai sa source. C’était Dimitri, installé sur la toiture basse d’un bâtiment de l’autre côté de la rue, d’où il pouvait observer la maison sans être vu. Je traversai la rue en courant et grimpai sur le toit pour m’allonger à côté de lui.
— Ce n’est pas trop tôt, dit-il en désignant l’extrémité la plus éloignée de la rue.
La silhouette caractéristique de Iouda était apparue. Contrairement à Ioann, il avait conservé sa posture furtive et agile. Peut-être n’avait-il pas mangé. Peut-être était-il assez raisonnable pour comprendre la nécessité de continuer à faire preuve de prudence après son repas. Quelle qu’en soit la raison, il resta à proximité des murs, dans l’ombre, tout le long de sa progression dans la rue.
— Aucune trace de Vadim, par contre, murmura Dimitri d’un ton suffisant. De toute évidence, il a perdu sa trace.
— Ou il est tellement doué pour éviter de se faire repérer qu’il reste caché aussi bien de nous que de
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