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Douze

Titel: Douze Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jasper Kent
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particulier, une haine envers Iouda. La créature qui gisait maintenant sur le lit derrière moi n’était pas Domnikiia ; c’était une création de Iouda, un corps qu’il avait consommé puis corrompu en le transformant en un prolongement de lui-même. C’était comme lorsque Moscou avait été sous l’occupation française. Les rues et les bâtiments étaient beaux et familiers, mais ils n’étaient rien sans les gens qui les avaient construits et y vivaient. Si détruire les Français signifiait détruire la ville physique de Moscou avec eux, qu’il en soit ainsi. Si détruire l’esprit monstrueux qui était allongé sur le lit, à côté de moi, impliquait de détruire le corps magnifique et familier qu’il avait volé, qu’il en soit également ainsi. Le corps n’était qu’un souvenir de l’âme qui l’avait autrefois occupé. Le gouverneur Rostopchine (si ç’avait réellement été lui) s’était révélé un véritable patriote en fomentant ces incendies qui, bien qu’ils aient détruit une si grande partie de la ville, l’avaient rendue inhabitable pour les Français en maraude. Il avait compris que l’essence de la ville résidait non pas dans sa structure, mais dans ses habitants. Aucun véritable Russe ne pouvait être en désaccord avec lui.
    Je devais maintenant faire preuve de la vertu tenace de Rostopchine. Je devais détruire le physique pour le bénéfice d’un bien supérieur. Le bien supérieur n’était pas l’âme de Domnikiia, perdue pour toujours. C’était son souvenir. Si je pouvais limiter à quelques heures seulement son existence dans cet état altéré, alors au moins la créature qu’elle était devenue ne pourrait rien faire pour avilir ses années de bonté passées.
    Je tirai les couvertures pour dévoiler son corps, vêtu d’une simple chemise de nuit. Le crucifix d’argent qui, en dépit de toute superstition, n’avait rien fait pour la protéger, pendait toujours à son cou. Elle murmura doucement et porta une main à son visage pour écarter une mèche de cheveux, mais elle ne s’éveilla pas. Sa main retomba sur sa poitrine et y resta comme pour bercer son cœur. Je la poussai doucement et elle tomba paresseusement le long de son corps, ne laissant aucun obstacle susceptible de me détourner de ma cible. Je sortis mon poignard en bois et le tins à deux mains. Je me rappelai notre conversation la première fois que j’en avais fabriqué un – en fait, son prédécesseur. Je me rappelai l’expression de crainte dans ses yeux lorsque je l’avais dirigé sur elle et que je lui avais hurlé dessus. Avait-elle décidé alors qu’elle choisirait cette voie et deviendrait un vampire ? ou était-ce une décision qu’elle avait prise plus récemment ?
    Je m’agenouillai au-dessus d’elle, déposant la pointe de la dague sur sa poitrine, juste au-dessus de son cœur. Je n’avais qu’à laisser tomber mon poids sur mes mains et, ainsi, sur le poignard, et j’aurais mis fin à l’existence maudite d’une autre de ces créatures. Combien de temps, me demandai-je, faudrait-il à la dépouille de Domnikiia pour se décomposer ? Pour elle, il n’était pas question de se réduire en poussière comme ç’avait été le cas pour les autres. Sa mort n’avait eu lieu que quelque douze heures auparavant. C’était à peine une longueur d’avance. Une fois que je plongerais la lame en elle et que j’éteindrais sa vie, son corps resterait aussi parfait qu’avant, se décomposant en autant de jours et de semaines que si elle avait été une femme mortelle. Je fermai les yeux et murmurai une prière pour m’exhorter à accomplir ce que j’étais sur le point de faire. Cela n’exigerait de moi que l’action la plus brève pour transférer mon poids et plonger en elle la lame de bois. J’attendis le moment où la force et la haine me rempliraient et me pousseraient à accomplir mon devoir. J’attendis.
    Je n’étais pas Rostopchine. Je n’étais pas davantage capable de détruire quelque chose d’aussi beau que Domnikiia que je ne l’aurais été de réduire en cendres Moscou si l’on m’avait tendu une torche enflammée et indiqué les quartiers de Bonaparte lui-même. J’étais un cousin pathétique d’Othello. Pour moi, la victoire de mon amour sur ma sagesse signifiait que je ne pouvais pas tuer alors que la raison me dictait de le faire. C’était au-delà de mes forces, comme si un pouvoir supérieur ne pouvait supporter de voir

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