Douze
et, alors qu’une vague de somnolence me parcourait, je commençai à me demander si j’étais en état de prendre une aussi grave décision. Que cela impliquait-il pour les sentiments que je nourrissais vis-à-vis de mon épouse et de mon fils ? Même si mon âme était condamnée à l’enfer, ne méritaient-ils pas ma présence et mon soutien au moins tant que j’étais en vie ? C’étaient des questions auxquelles j’étais trop fatigué pour répondre.
L’un des aspects intéressants de ce que j’allais entreprendre me semblait être la possibilité de revenir sur ma propre mort. J’avais observé la mort de l’extérieur en de nombreuses occasions – bien qu’il y ait eu d’autres moments où j’aurais souhaité avoir été présent pour l’observer –, mais ce serait un privilège rare que d’être capable, en tant que vampire, de me rappeler ce que c’était effectivement de mourir. Et pourtant, pensai-je, toutes les âmes, qu’elles finissent au paradis ou en enfer, doivent avoir la même occasion. Si je n’appréciais pas cela, alors je devais mettre en doute ma croyance même au paradis et à l’enfer ; auquel cas, comment pouvais-je être aussi certain de ma propre damnation ?
Mais les spéculations étaient superflues. Bientôt, je saurais. Je m’endormis.
Chapitre 27
Lorsque je m’éveillai, je me sentis instantanément mal à l’aise. Mon environnement était vaguement familier, mais j’étais conscient d’un problème urgent qui devait être résolu. La mémoire me revint rapidement. Ma première observation, peut-être anodine, fut que j’étais vivant. Je tendis le bras vers la droite, mais Domnikiia n’était plus à côté de moi. Elle devait s’être réveillée et m’avoir vu. J’aurais dû être éveillé afin de boire son sang et devenir un vampire. Étais-je sorti de mon sommeil pour cela avant d’y replonger, oubliant ce qui s’était produit ? Je m’examinai, essayant de déterminer si physiquement ou mentalement je me sentais différent. Je ne pus rien trouver.
Je jetai un coup d’œil par la fenêtre. Pour autant que je puisse en juger, c’était la fin de matinée. La neige scintillait à la lueur du soleil. La lumière réfléchie brillait sur mon visage et projetait l’ombre de ma main sur l’oreiller inoccupé à côté de moi. Je n’étais pas un vampire. Comme je l’avais imaginé, il me fallait être conscient pour devenir l’une de ces créatures, afin d’absorber le sang de celle qui m’engendrait. Domnikiia ne m’avait pas encore transformé en une créature comme elle, mais elle le ferait bientôt. J’entendis un bruit de pas à l’extérieur et la poignée de la porte se mit à tourner. La conviction que j’allais devenir un vampire m’avait totalement déserté. Je trouvai impossible de retracer la ligne de raisonnement qui m’y avait conduit. Désormais, la perspective de laisser Domnikiia plonger ses dents dans mon cou et de boire son sang en retour était à la fois révoltante et effrayante. Je la tuerais volontiers afin de me préserver d’un tel sort.
Je tendis le bras vers le bord du lit, où j’avais laissé tomber ma dague la nuit précédente. Je sentis un élancement douloureux mais, en même temps, je notai que la blessure à mon bras avait été bandée pendant que je dormais. La dague n’était pas là. Je jetai un coup d’œil circulaire à la pièce et la vis. Elle était sur une chaise, posée par-dessus mon manteau soigneusement plié. Mes bottes étaient à côté et mon épée était suspendue au dossier. Je n’aurais pas le temps de l’atteindre avant que la porte s’ouvre. Puis ma panique retomba. Il faisait jour. Quiconque allait entrer dans cette chambre ne pouvait être un vampire. Si c’était effectivement Domnikiia, elle serait alors rapidement détruite sans qu’il me soit nécessaire d’intervenir. Même ainsi, je ne pus m’empêcher de me recroqueviller contre le châlit, agrippant les couvertures et les remontant jusque sous mon menton.
C’était elle. Elle portait un plateau sur lequel je vis du pain, des viandes froides ainsi qu’un pot dont, à l’odeur, je sus immédiatement qu’il contenait du café. Elle traversa la pièce, passa devant la fenêtre et déposa le plateau sur la coiffeuse.
— Bonjour, dit-elle, rayonnante.
Je ne dis rien. Elle s’approcha du lit et s’assit à côté de moi. Même s’il était désormais clair qu’elle n’était pas un vampire,
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