Douze
rappelant, pour la première fois, et avec force, ma mère.
Je secouai la tête misérablement.
— Non. Ce n’était pas un rêve. Je l’ai vu. J’ai vu quelque chose.
— Et tu croyais que j’étais devenue un vampire ?
Il y avait un ton moqueur dans sa question.
— Oui, dis-je, et une larme me vint.
Je pris sa main dans la mienne et la pressai contre mes lèvres. Elle réfléchit un moment avant de penser à l’inévitable question.
— Alors que faisais-tu ici ce matin ?
— J’étais venu pour te tuer.
Elle le prit bien.
— Je vois.
— Mais je n’ai pas pu, expliquai-je.
Elle réfléchit un moment de plus.
— Alors…
Elle n’acheva pas sa question. Au lieu de cela, je sentis ses mains sur ma poitrine, tirant ma chemise pour l’ouvrir, recherchant quelque chose.
— Tu ne la portes pas, dit-elle. L’icône – tu l’as enlevée.
— Je l’ai donnée à Dimitri.
— Mais elle t’aurait protégé. Si j’avais été… Si j’avais été un vampire, j’aurais pu te tuer – ou pire. Es-tu fou ? Tu as donné ton unique protection.
— Cela ne protège absolument pas, expliquai-je. Ils ne sont pas superstitieux.
— Moi , je suis superstitieuse, cria Domnikiia. Cela m’aurait gardée, moi, à distance. (Elle réfléchit un moment de plus.) Était-ce ce que tu voulais ? demanda-t-elle, incrédule. Tu es un idiot, Alexeï Ivanovitch, un idiot sentimental. (Elle marqua une pause avant d’ajouter calmement : ) Mais merci.
— Comme si quelque chose pouvait te maintenir à distance de moi, murmurai-je.
Elle sourit puis se pencha pour m’embrasser.
— Nous ne savons toujours pas ce que tu as vu, dit-elle. Peut-être peuvent-ils faire cela : changer leurs visages pour ressembler à quelqu’un d’autre.
— Je n’ai jamais vu son visage, avouai-je.
J’avais déjà pris conscience que mes raisons de supposer qu’il s’était agi de Domnikiia étaient peu étoffées.
— Eh bien, il semblerait que j’aie eu de la chance de m’échapper. Je n’aimerais pas avoir été tuée par un idiot pendant que je dormais. Alors, qu’as-tu vu ?
— Juste son dos… ses cheveux. Ils ressemblaient tellement aux tiens.
J’avais déjà compris.
— Oh mon Dieu ! murmura Domnikiia. Margarita ! Elle utilise parfois cette chambre lorsque je ne suis pas là. Elle est plus grande que la sienne. La porte qui les relie n’est jamais fermée.
Elle bondit sur ses pieds et se rendit à la porte.
— Attends ! appelai-je. Étant donné ce que j’ai vu, elle devrait être un vampire à l’heure qu’il est.
— Alors que suis-je censée faire, simplement la laisser ?
— Laisse-moi y aller en premier.
— Et si elle est un vampire ?
— C’est le jour, expliquai-je. Elle ne pourra pas faire grand-chose.
Je ramassai ma dague sur la chaise et m’approchai de la porte. Je sentais Domnikiia, derrière moi, se presser contre mon corps. Malgré toutes mes craintes pour sa sécurité, il était rassurant de l’avoir là. Lorsque je tournai la poignée de la porte, je sentis une fatigue débilitante en moi. Je n’avais plus envie de traquer dans Moscou des vampires tueurs, ou même des Français meurtriers. Je voulais qu’ils partent tous et qu’ils me laissent profiter de la vie. Mais je savais que je devais continuer. J’ouvris la porte.
À l’intérieur, il faisait sombre. Les rideaux étaient fermés et, dans le peu de lumière qu’il y avait, je pus distinguer une silhouette sur le lit.
— Reste ici, murmurai-je à Domnikiia, et je commençai à avancer à petits pas vers la fenêtre, gardant toujours mon dos au mur.
Lorsque j’y parvins, je ne perdis pas de temps à tirer le rideau d’un côté et à inonder la chambre de lumière.
Iouda n’avait pas changé d’attitude à l’égard de sa progéniture. Il se sentait, comme il me l’avait autrefois expliqué dans cette pièce remplie de cadavres en putréfaction, dénué de toute responsabilité à long terme. L’objectif de la mise en scène de la nuit précédente n’avait pas été de convertir Margarita en un autre vampire qui pourrait l’accompagner à travers les siècles. Il n’avait été qu’une mascarade à mon intention, de façon à me faire croire que Domnikiia était devenue un vampire et me conduire à la tuer, comme j’avais été si proche de le faire. La savoir morte de ma main était une vengeance contre moi bien plus savoureuse que tout ce que Iouda aurait pu lui infliger lui-même.
Mais une
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