Douze
partie. Pour être honnête, c’est difficile de se souvenir. Aucun d’entre eux ne m’a fait une forte impression. Ils ne sont pas spécialement portés sur la conversation.
— Nous ferions mieux de rentrer, dit Vadim qui s’était calmé entre-temps.
À l’intérieur de la pièce, l’atmosphère s’était légèrement réchauffée. Les douze Opritchniki étaient de nouveau en train de rire, de cette façon qu’ont les groupes d’hommes de rire afin d’être vus par les autres. Notre entrée, si elle fut constatée, ne les interrompit pas immédiatement.
Nous nous rassîmes et Vadim s’adressa à Piotr dans un français lent et clair.
— Nous prévoyons d’aller vers l’ouest. Nous contournerons les Français et attaquerons leurs lignes d’approvisionnement.
— Nous préférons travailler seuls.
La réponse de Piotr était laconique, mais son français était parfait et plutôt bien accentué.
— Vous pouvez travailler seuls, dit Vadim, parlant de façon plus fluide maintenant qu’il savait qu’ils le comprenaient (ou du moins Piotr) clairement, mais vous ne connaissez pas bien le terrain. Vous aurez besoin de notre aide, au moins pour cela.
— D’accord, acquiesça Piotr. Nous travaillons la nuit. De cette manière, l’ennemi est endormi et ne nous attend pas.
— C’est raisonnable. Nous pouvons voyager le jour et attaquer dans l’obscurité.
— Non. (Piotr faisait ressembler l’explication de leurs tactiques à une liste de demandes.) Le corps doit s’adapter aux exigences de la tâche. Nous dormons le jour et tuons la nuit. Si cela ne vous convient pas, nous nous débrouillerons sans vous.
Vadim observa chacun de nous mais ne trouva aucune objection.
— Très bien, convint-il. (Il lui tendit quelques documents.) Voici des cartes de la zone à l’ouest de Moscou. Bonaparte s’approche à l’heure actuelle de la ville de Viasma. (Il déplia une carte et désigna l’emplacement.) J’ai également indiqué des endroits où nous pourrons nous retrouver si nous sommes séparés. Nous partirons demain soir.
Piotr et les autres ne montrèrent que peu d’intérêt pour les cartes.
— Combien d’hommes a Bonaparte ?
Vadim se tourna vers moi pour la réponse. Je consultai mes notes.
— Notre estimation est de 130 000.
Un sentiment d’excitation parcourut les Opritchniki lorsqu’ils entendirent ce nombre, ce que je ne parvins pas à comprendre. Les chiffres n’ont guère d’importance lors d’opérations furtives. Que nous soyons à douze contre mille ou à douze contre cent mille, nous restions largement minoritaires. Quelques commentaires circulèrent entre eux et sur certains visages se peignirent des sourires qui semblaient presque lascifs.
— Et combien de Russes ? demanda l’un des autres – Foma, me semble-t-il – d’un ton moqueur.
Vadim leva la main pour m’empêcher de divulguer cette information, bien que je n’aie aucune intention de le faire. Piotr cracha un unique mot de colère à Foma, puis se tourna de nouveau vers nous.
— Naturellement, nous n’avons pas besoin de le savoir. C’est par pure curiosité.
— Bien, dit Vadim.
Nos discussions se poursuivirent tard dans la nuit. Nous tentâmes de fournir notre meilleure estimation des plans et de la disposition des Français. Aucun d’entre eux n’émit plus la moindre interrogation à propos de nos propres forces. Il fut convenu qu’ils se sépareraient en quatre groupes. Vadim accompagnerait Faddeï, Filipp et Iakov Zevedaïinitch. Dimitri prendrait Piotr, Varfolomeï et Ioann. Max aurait Andreï, Simon et Iakov Alfeïinitch, et il me restait Foma, Iouda et Matfeï.
L’aube était proche lorsqu’ils partirent enfin. Comme leur chef avant eux, ils expliquèrent avoir pris leurs dispositions pour leur propre logement, mais ne donnèrent aucun détail supplémentaire. Nous convînmes de nous réunir de nouveau ce soir-là, le 16 août, à 21 heures, pour commencer notre voyage vers l’ouest.
Je n’avais aucunement l’intention de suivre le conseil de Piotr de s’habituer à dormir pendant la journée, mais notre discussion tardive m’y avait forcé. Il était plus de 10 heures lorsque je m’éveillai. Je terminai la lettre à Marfa que j’avais écrite la veille au soir. Je ne pouvais y mettre que peu de détails relatifs à mon travail, ou même, de fait, concernant mon temps libre, et la lettre s’avéra donc un document vide. Je mentionnai que j’allais quitter Moscou
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