Douze
fait subir cela ; mon ami et, par conséquent, ma faute. Et comme il n’y avait pas grand-chose que je puisse faire pour me punir physiquement moi-même, toute ma colère se focalisa sur lui. Il lui avait causé cette douleur, il avait envoyé les Opritchniki après moi et Max, et il avait déchiré mon monde en démasquant, en premier lieu, Max en tant qu’espion.
— Je vais trouver Dimitri, dis-je en laissant entendre, par le ton de ma voix, ce que j’avais l’intention de faire lorsque je l’aurais retrouvé. (Puis je l’embrassai.) À ce soir.
Je m’étais à moitié attendu à ce qu’elle m’implore, d’une manière ou d’une autre, d’être indulgent envers Dimitri, mais rien ne vint. Je l’admirai d’autant plus pour son désir de vengeance. Tandis que je m’éloignais, j’entendis le bruit des lourds verrous de la porte derrière moi.
Je revins à l’auberge et n’y trouvai toujours aucun signe de Dimitri ou Vadim, mais il y avait une note glissée sous ma porte. Elle comportait simplement ceci :
11 – 30 – 8 – Ч7 – ВД
Nous devions nous rencontrer à 11 heures le lendemain, 30 août, à l’emplacement Ч7 . Cela signifiait la rive sud de la Moskova, en face du Kremlin. Les initiales « В » et « Д » indiquaient que le message émanait de Vadim et de Dimitri. Avec l’ennemi pratiquement à nos portes, c’était une sage précaution de ne pas être cantonnés tous au même endroit. J’avais de la chance qu’ils aient déjà pris cette décision et, par conséquent, j’étais le seul à ne pas avoir à déménager, du moins pour le moment.
Cet après-midi-là, j’écrivis deux lettres. La première s’adressait à Marfa. Il n’y avait pas grand-chose d’important à lui raconter. Je mentionnai la bataille de Borodino – omettant le petit rôle que j’y avais joué – et le débat dont elle faisait l’objet pour savoir s’il s’agissait d’une défaite ou d’une victoire, et j’entrepris ensuite de minimiser l’évacuation de Moscou. Tout cela n’était au fond que du remplissage avant d’aborder le sujet de Max. Max avait séjourné chez nous à Pétersbourg pendant plusieurs mois après son rapatriement en 1807 et Marfa l’avait rencontré à plusieurs reprises par la suite, se prenant d’amitié pour lui.
Je lui écrivis en m’approchant autant de la vérité que je l’osai ; qu’il avait été un espion à la solde des Français, qu’il avait envoyé plusieurs camarades à leur mort aux mains des Français, qu’il avait avoué et qu’il avait été exécuté. En relisant mon récit édulcoré, je constatai que personne ne pouvait avoir la moindre raison d’éprouver de la sympathie pour Max. Nul ne pouvait douter du fait qu’il méritait de mourir pour sa trahison, ou même me blâmer d’avoir laissé les Opritchniki exécuter la sentence. J’ajoutai donc quelques mots pour la défense de Max, ces mêmes mots qui me conduisaient encore à m’interroger sur mes propres actions. Je parlai de son idéalisme, de son admiration pour la Révolution et pour Bonaparte, et de son refus, en dépit de tout cela, de faire quoi que ce soit qui trahirait ses vrais amis.
La seconde lettre était adressée à la mère de Maxime, Yelizaveta Malinovna. Je ne l’avais jamais rencontrée – elle vivait très loin au sud, à Saratov – mais Max m’avait souvent parlé d’elle, non avec affection (ce n’était pas son genre) mais avec, je suppose, loyauté. Je ris tout seul lorsque ce mot traversa mon esprit, mais je dus admettre que Max n’était pas moins loyal qu’un autre, sa loyauté ayant simplement été placée ailleurs. Le père de Max était mort de dysenterie lorsque Max était très jeune. Ses seuls autres parents proches étaient ses deux sœurs, mais j’ignorais où elles vivaient. Yelizaveta Malinovna leur transmettrait la tragique nouvelle. Dans ma lettre à son intention, je ne fis aucune mention de sa trahison. Maxime était mort comme un héros combattant contre les Français. Je n’étais pas en mesure, expliquai-je, de donner tous les détails, pour des raisons de sécurité nationale, mais je lui transmis suffisamment d’informations pour qu’elle en déduise, une fois que les récits de la guerre seraient publiés, qu’il était mort courageusement à Borodino.
Après avoir écrit ces deux lettres relatant la mort de Max à sa mère ainsi qu’à mon épouse, je me rendis compte que j’avais complètement oublié de
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