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Douze

Titel: Douze Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jasper Kent
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s’ils étaient partis à temps pour quitter la Russie avant l’hiver. Tous les éléments de l’armée française ne comprenaient pas la nécessité du commerce, mais les quelques marchands de Moscou qui restaient approvisionnèrent ceux dont c’était le cas ainsi que, de façon assez pratique, moi-même. Je soupçonne que, si j’avais choisi de me déguiser en officier français pendant mon séjour à Moscou, j’aurais pu me nourrir à moitié prix. On ne proposait guère de rabais à un majordome russe abandonné.
    Comparé à l’avant-veille, Moscou était de nouveau grouillant de vie. L’armée de Bonaparte était peut-être, à ce stade de la campagne, forte de cent mille hommes : terriblement moins qu’au début, mais assez pour donner à la ville une vague couleur de revivification. Ils représentaient toujours moins de la moitié de la population réelle de la ville, mais ils passaient plus de temps dehors dans les rues que les vrais Moscovites, qui avaient un foyer où se rendre, et Moscou semblait donc – superficiellement – actif.
    Je me souviens d’un jour où, combattant au sud du Danube, j’inspectais à l’aide de ma longue-vue un champ de bataille abandonné, constellé de cadavres d’alliés aussi bien que d’ennemis. Soudainement, j’avais vu un mouvement. Un soldat que tout le monde avait cru mort, allongé sur le dos, le visage recouvert de sang, bougeait la main. Ç’avait été un mouvement imperceptible, réalisé en dépit de la douleur terrible que lui infligeaient ses blessures, mais le fait qu’il l’ait surmontée et supportée suffisamment pour émettre ce faible signal montrait à quel point il voulait indiquer qu’il était en vie, à quel point il voulait vivre.
    Le terrain était encore sous le feu turc, mais je m’étais précipité, oublieux des cris de mon commandant, courbé au ras du sol comme si cela pouvait me sauver des balles ennemies. Je devais porter secours à ce pauvre homme blessé. J’étais parvenu à l’endroit où il s’était trouvé et je m’étais jeté au sol. Je pouvais entendre le sifflement des balles autour de moi, mais je ne crois pas qu’elles m’étaient adressées. Ma première intention avait été de murmurer quelques mots d’encouragement à l’oreille du soldat, pour lui faire savoir que, s’il voulait vivre, j’étais là pour l’aider. Puis j’avais dû trouver un moyen de traîner son corps affaibli à travers la vaste étendue de terre qui nous séparait de nos propres lignes.
    Je vis soudain sa main.
    Elle bougeait encore, mais le mouvement n’était pas un signal désespéré pour obtenir de l’aide – la dernière supplique d’un homme mourant, se raccrochant à la vie –, c’était simplement le frétillement d’une centaine de vers. Ils avaient déjà ingurgité l’essentiel de sa main, mais leur tortillement glouton était apparu, aux yeux d’un homme qui voulait voir de la vie où il n’y en avait plus, comme un mouvement cohérent, un soubresaut des doigts que les asticots avaient depuis longtemps dévorés.
    D’une façon tout à fait similaire, le spectateur occasionnel pouvait concevoir que la vie était effectivement revenue à Moscou. Les rues étaient de nouveau pleines de vitalité, d’agitation, de mouvement. Mais, en étudiant de plus près, il se rendrait compte que ces silhouettes qui remplissaient les rues, bien qu’elles semblent en surface ressembler aux anciens habitants de la ville, vivaient de la ville et non pas dans la ville. Leur but était de consommer ce qu’ils y trouvaient (nonobstant le fait que le commerce pouvait s’avérer une approche plus efficace que le pillage en matière de consommation), non pas de l’entretenir au profit de leurs successeurs ou au profit de la ville elle-même.
    Moscou était aussi plein de vie qu’un cadavre sur la table de l’embaumeur. Les fluides et produits chimiques qui avaient été introduits dans ses veines pouvaient l’engorger suffisamment pour lui donner une vague ressemblance avec la créature vivante qu’elle avait été autrefois, mais ils ne seraient jamais capables de lui apporter l’essence vitale qui faisait auparavant de ce corps un homme. Cette image me rappela les Opritchniki. Ils se faisaient passer physiquement pour des hommes, mais je n’avais jamais vu, dans aucun d’entre eux, le moindre soupçon de désir et d’amour et d’angoisse coutumiers d’un être vivant.
    Je me demandai si les occupants

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